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florissant, peut-être eût-on beaucoup pardonné ; mais à Berlin on s’occupait des intérêts de la Prusse agricole, et l’on négligeait ceux du Rheinland industriel. Jusqu’en 1830, la situation de la province rhénane fut extrêmement difficile, et dans la suite elle ne s’améliora que lentement. La crise économique s’étendit même au Palatinat et à la liesse, où le nombre des mendians s’accrut dans des proportions considérables. L’année 1817 se signala par une atroce famine. En 1831, le maire de Trêves indiquait que dans la région la détresse et la misère des habitans atteignaient un degré inouï. Une seule culture était d’un intérêt vital pour les Rhénans, celle de la vigne, mais celle-là justement était ignorée de la bureaucratie prussienne ; le ministère avait dégrevé le consommateur, mais il frappait la production ; en 1828, il avait augmenté de 42 000 thalers l’impôt foncier dans le seul cercle de Trêves, et en même temps il avait conclu avec la Hesse une union douanière qui lésait les vignerons.

Une domination qui avait eu de si fâcheux commencemens ne pouvait devenir populaire à bref délai, et les désastres qui en avaient marqué le début, même quand des mesures judicieuses eurent rappelé la richesse, laissèrent dans les esprits une impression qui ne devait pas s’effacer de sitôt. Victor Hugo, en 1840, traduisait très exactement l’opinion des Rhénans, aussi bien que celle des Français, quand il jugeait en ces termes l’œuvre des traités de Vienne : « Jamais opération chirurgicale ne s’est faite plus à l’aventure. On s’est hâté d’amputer la France, de mutiler les populations rhénanes, d’en extirper l’esprit français. On a violemment arraché des morceaux de l’empire de Napoléon… On n’a posé aucun appareil, on n’a fait aucune ligature. Ce qui saignait il y a vingt-cinq ans, saigne encore. » L’analogie est très grande entre la rive gauche du Rhin après 1815 et l’Alsace-Lorraine après 1870 : chez les conquérans, des violences raisonnées et des brutalités systématiques ; chez les annexés, des indignations douloureuses et l’espoir invincible dans une réparation qu’ils croyaient prochaine.


II. — LA LUTTE POUR LE CODE

De toutes les institutions que le pays rhénan devait à la France, celle qu’il appréciait le plus était sans doute le Code.