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manifestations conciliantes l’engagement de respecter la parité entre les deux religions. Mais l’État, pour contre-balancer la faculté catholique, la flanqua d’une faculté protestante. Quant à la parité, il n’eut d’autre souci que de la violer sans merci ni trêve et de la sacrifier sans cesse à son fanatisme intransigeant. La convention signée avec le Pape en 1821 ne le fut que sous l’empire d’une nécessité politique, dans l’intérêt du gouvernement bien plus que des populations. Une ordonnance du 6 mai 1817 avait défendu aux catholiques de s’adresser directement au Saint-Siège pour tout ce qui concernait la religion, à moins qu’ils n’eussent au préalable l’autorisation du ministre de l’Intérieur, qui se chargeait de transmettre à Rome les requêtes. Le 18 septembre 1818, il avait été interdit aux évêques de composer de nouveaux mandemens ou d’accepter ceux d’un supérieur étranger sans la permission de l’Etat. La correspondance avec le Pape ne devint libre qu’en 1841.

En somme, les catholiques, dans ce pays rhénan où ils formaient une écrasante majorité, étaient persécutés par le pouvoir. Bien avant que la crise eût atteint sa plus grande acuité, des voix narquoises ou douloureuses se firent entendre. En 1819, Goerres railla les prétentions de la monarchie prussienne : dans les provinces de l’Est, habitées par des protestans, il était peut-être naturel que le souverain se considérât comme le premier évêque de son royaume, mais aux bords du Rhin, où l’on était de foi romaine, il devait lui suffire d’être à la fois généralissime, juge suprême, directeur général de la police et propriétaire du sol, sans qu’il eût besoin de joindre à toutes ces qualités celle de pontifex maximus et de gouverner les consciences. On se souvenait qu’au temps de la domination française, infiniment plus libérale, Napoléon avait envoyé à Karlsruhe une note énergique pour exiger que les catholiques eussent autant de droits que les protestans. Or ce n’était point là la manière prussienne. L’archevêque de Cologne, von Spiegel, de 1829 à 1834, se plaint dans ses lettres que l’intolérance luthérienne du ministère s’accroisse de jour en jour : on a sans doute l’intention, à Berlin, d’abolir les libertés de l’Eglise catholique, et les agens du gouvernement ne cachent pas leur haine.

Ces doléances sont justifiées. Administrativement, l’oppression est combinée par des volontés expertes. Le 30 avril 1815, une ordonnance royale place les évêques au-dessous des