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balcon du Cercle, à la terrasse de l’Olympos ; devant la pâtisserie Floca. Le Cercle, où fréquente la bonne société de Salonique, et qui accueille les étrangers de passage, est ouvert aux dames trois fois par semaine. Elles y invitent leurs amies et c’est leur plaisir que de dîner sur la terrasse, en contemplant la magnificence des soleils couchans, le mouvement des bateaux en rade et le va-et-vient des promeneurs…

Les plaisirs du soir sont modestes et toujours, les mêmes. On va dîner au restaurant de la Tour Blanche, puis on s’assied dans le jardin qui borde la mer et l’on reste, accablé par la lourde nuit, à goûter des boissons glacées et à regarder les gens qui passent. Sur l’écran d’un cinématographe en plein air, des images démesurées s’agitent tristement, au bruit que fait un pauvre petit orchestre, tandis que les tsiganes du restaurant jouent des tangos surannés, et que plus loin, derrière une haute palissade, montent les éclats de voix criardes et les bravos d’un café-concert… La mer, toute noire, n’a pas un frisson, pas un soupir. Au loin, les feux rouges et verts des signaux clignotent, s’éclipsent, se ravivent, et les bâtimens qui gardent l’entrée de la rade causent silencieusement dans la nuit. Des barques chargées de promeneurs s’éloignent un peu de la rive, dans les limites qu’un règlement sévère leur assigne. Elles passent, avec un bruit de rames et de chansons sans gaîté, traînantes chansons, dont le rythme monotone engourdit nos rêves… Ainsi, les heures coulent, et quand il faut rentrer, le quai, obscur sous le ciel obscur, nous rappelle les avenues parisiennes, menacées, elles aussi, par les zeppelins, et qui comptent presque autant de dangereux caniveaux, de pavés traîtres et de tranchées imprévues…


D’autres soirs, on va dîner dans les petits restaurans grecs ou dans les « popotes » amies.

Des gourmets, curieux de cuisine exotique, ont fait des découvertes, à leur profit personnel et au profit de quelques initiés. On vous annonce, mystérieusement, qu’il y a un Samos remarquable ou un merveilleux Santorin à six sous le verre, dans une boutique de la rue Bulgaroctone ; qu’un restaurateur de la rue Ignatia possède un vin de Crète fort délectable, et que, pour goûter les meilleurs plats grecs, il ne faut pas aller