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grecque a livré le port sans résistance. Les Bulgares n’ont eu que la peine de s’y installer et de hisser leur drapeau à la place du drapeau hellénique. Il faut savoir quels souvenirs les Bulgares ont laissés en Macédoine, pour comprendre la terreur qui s’est emparée de tout ce pays… L’amitié du roi Constantin, — dit naguère le Bulgaroctone, — n’empêchera pas les soldats du roi Ferdinand de contenter leurs instincts bien connus. Les Bulgares en Macédoine, c’est l’incendie, le viol st l’assassinat, avec de savantes atrocités. Ajoutons que c’est le déshonneur éclatant de la Grèce officielle, la seule qui compte pour le moment.

Le lendemain matin, la population salonicienne était convoquée par affiches à l’église Sainte-Sophie, pour une grande manifestation. Vers onze heures, je pus voir, de ma fenêtre, une foule considérable défiler sur le quai, aux cris de « Vive la France !… Vive la Serbie !… Vive Venizelos !… A bas Ferdinand !… » Sur la masse houleuse des têtes se dressaient les drapeaux blancs et bleus, et des portraits de Venizelos. Les manifestans applaudissaient les officiers français et serbes qui se tenaient aux fenêtres ou devant la porte du Splendid.

On racontait que les gendarmes du colonel Troupakis avaient voulu défendre au cortège l’entrée de Sainte-Sophie. Un peloton de gendarmes français à cheval, qui occupait un coin de la place, s’ébranla tout à coup, en voyant un commencement de bagarre. La foule crut que les Français se joignaient aux Grecs pour charger, mais elle poussa des clameurs de joie lorsque les cavaliers français et crétois lui laissèrent, d’un même accord, la place libre. Aux cris de « Vive la France ! » elle força la grille de l’enclos qui précède l’église, et des venizelistes se précipitèrent vers la corde de la grande cloche que les gendarmes leur enlevèrent des mains, cinq ou six fois. Après une lutte héroï-comique, les Pandores grecs abandonnèrent la partie, et la cloche, gagnée au venizelisme, chanta la gloire d’Eleuthère et appela les citoyens au meeting.

Des discours furent prononcés à la Tour Blanche et à la Préfecture, où une délégation se présenta pour remettre au préfet, M. Athénogénis, la résolution votée par les manifestans. Cette résolution, adressée au Roi et à Venizelos, — inséparables encore dans le cœur des Grecs, même après Kuppel, même en pleine crise de mécontentement et d’anxiété, — blâmait la