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VII. — LA BATAILLE DE CHARLEROI DANS SES RAPPORTS AVEC LA BATAILLE DES FRONTIÈRES.

Nous ne devons pas achever cet exposé succinct, sans essayer d’indiquer dans quelles conditions les combats de la Sambre se rattachent à la première phase de la Bataille des Frontières.

Selon le plan français, cette première phase avait pour objet une offensive générale et combinée de toutes nos armées pour pénétrer, le plus tôt possible, en territoire allemand. L’opération principale, qui débouchait par l’Alsace et la Lorraine, la droite au Rhin, devait être secondée par une manœuvre d’appui à travers les Ardennes. En cas de succès, on s’assurait, dès l’abord, le gage des provinces annexées ; on entravait le mouvement des armées allemandes par la Belgique en menaçant leurs derrières ; de toutes façons, on protégeait Nancy et on s’opposait à la menace d’enveloppement ennemi par la Trouée de Charmes.

En tant qu’offensive, cette conception a échoué ; en tant que défensive, elle a réussi.

Toute l’histoire militaire le prouve, la Lorraine est un mauvais terrain pour une attaque se portant de France en Allemagne. Si le commandement français débouchait par là, c’est qu’il ne pouvait pas faire autrement : résolu qu’il était à ne pas violer la neutralité belge, il n’avait pas d’autre porte d’entrée sur le territoire ennemi.

Les Allemands, grâce à leur préparation formidable, nous repoussèrent à Morhange et à Sarrebourg. Mais ils furent arrêtés, à leur tour, à la Trouée de Charmes, sur la Mortagne et au Grand Couronné. Le résultat stratégique, dans l’Est, fut en quelque sorte « partie nulle ; » ce front se stabilisa promptement.

Quelle est, d’autre part, la conception allemande, en considérant l’ensemble du front occidental ? Ouvrir, sur nos frontières, une tenaille immense comportant : 1° une branche gauche menaçant Nancy et la Trouée de Charmes ; 2° une branche droite plus puissante et de plus longue portée, traversant la Belgique pour atteindre la mer et se rabattre sur la Manie et la Seine ; 3° une articulation, formée par les armées du Centre et dus Ardennes, ayant pour mission d’assener le coup décisif en débouchant sur Verdun. On sait toute l’importance