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troués, recouvrent les toitures avec des morceaux de tête ondulée, déblayent les jardins. L’armée encourage ces initiatives, et les comités de secours ont été sollicités de venir en aide à ces braves gens.

Flavy-le-Martel… On dirait qu’un cyclone a passé sur cette cité jadis prospère. Cinq usines sont complètement détruites. La plupart des maisons se sont écroulées dans les flammes.

A Jussy, destruction complète ordonnée par le grand état-major allemand. De cette cité ouvrière, agricole, industrielle, il ne restait pas pierre sur pierre, brique sur brique, lorsque nos troupes ont repris possession de ce terrain après le départ des Boches en retraite sur Saint-Quentin.

Sous la conduite d’un général qui a vu ses hommes au travail et qui est fier de les commander là comme au feu, nous admirons de tout cœur ce qu’a fait, en un court espace de temps, sur ce sol criblé de fissures, encombré de gravats, un régiment d’infanterie territoriale. Les pionniers de ce régiment ont dû procéder d’abord à un difficile travail de déblaiement. Grâce à leur infatigable patience, la grande route qui, venant de Soissons, passant par Montescourt-Lizerolles, Essigny-le-Grand, atteint les faubourgs de Saint-Quentin, est désormais ouverte au va-et-vient des automobiles de l’armée. Le long de celle roule, dans cette ville morte où pas un habitant n’est revenu, il y a déjà des maisons neuves prêtes à recueillir les exilés. N’ayant point de ciment, les soldats rebâtisseurs ont pétri de la terre glaise pour jointoyer leurs moellons et leurs parpaings. Ils ont ingénieusement arrangé des abris pour les chevaux. Ils ont dessiné des jardinets, établi même des installations hydrauliques, avec des appareils de distillation. Le général nous fait remarquer, en passant, une tonnelle sur une terrasse :

— C’est là, nous dit-il, que les sous-officiers d’un des bataillons de ce régiment prenaient leurs repas. Je l’ai inaugurée avec eux. Ils sont partis. Mais ils ont parfaitement appliqué le principe du général Lyautey : quand on arrive quelque part, s’y installer comme si on devait y rester toute sa vie.

Le Français, même lorsqu’il change volontairement de place, garde toujours la nostalgie de la stabilité. A plus forte raison est-il désireux de retrouver son coin de terre natale, lorsqu’il en a été chassé par la misère ou arraché par la violence. Dans certains villages, complètement détruits, les rapatriés