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responsabilité, il a réduit à peu de chose la vie de Bossuet, le portrait de ce grand homme et les anecdotes de sa destinée. Une fois seulement, il se risque à cette enquête : et c’est à propos d’une légende ridicule, le prétendu mariage que Bossuet, dans sa jeunesse, aurait contracté avec la très singulière Mlle de Mauléon. Cette anecdote-ci n’était pas négligeable, si les malveillans pouvaient l’utiliser contre Bossuet, partir de là pour dénigrer Bossuet, pour le déconsidérer, pour déconsidérer du même coup les idées auxquelles cet écrivain dévoua son zèle et son génie. L’anecdote ne vaut rien : M. Dimier montre la nullité des argumens qui l’accréditeraient. Après cela, et la calomnie supprimée, voici l’enseignement de Bossuet.

Or, un certain nombre de penseurs qui, au siècle dernier, eurent de l’influence, nous ont arrangé un Bossuet tel que, si c’était là Bossuet, nous n’aurions pas affaire à lui. Éloquent ; mais Démosthène aussi fut éloquent : et nous, n’avons guère à lui emprunter, pour nos croyances ni pour notre conduite à présent. Ce Bossuet, qu’on nous invitait à regarder comme un type très singulier d’ancien régime, on l’avait éloigné de nous et reconduit à son époque. Ses idées ? Les idées de son temps : un temps si étonnamment différent du nôtre, qu’il appartenait à l’histoire et, si l’on veut, à l’archéologie ou, peu s’en faut, à la paléontologie. Ce Bossuet, c’était un échantillon très distingué d’une faune abolie, la merveille d’un terrain désormais recouvert par d’autres couches. Un théologien ! Vous n’avez pas envie de causer, peut-être, avec un théologien ?… Qu’est-ce que la théologie ? demande M. Dimier. « Le point où les notions les plus hautes auxquelles l’esprit puisse s’élever commandent la pratique de la vie : d’une part, la théologie touche à cette partie de l’antique réflexion des sages que nous appelons métaphysique ; en même temps, la règle des mœurs en sort. » Mais, répliquent les embaumeurs de Bossuet, les mœurs ont évolué, la pratique a changé depuis deux siècles que sa voix est morte et son ardeur éteinte.

Pour démontrer que ce changement de nos mœurs nous sépare de Bossuet, nous le rend à jamais étranger, l’on insiste sur son « absolutisme, » et l’on oppose à une telle manie d’affirmer, d’infliger son opinion, la nouvelle et précieuse liberté de la pensée. Prenez garde, répond M. Dimier : Bossuet recourt à l’autorité de l’Eglise et recourt à l’autorité du bon sens, mais toujours sans dommage aucun pour la raison. « Partout, nous voyons qu’il examine, discute, apporte des preuves ; il n’y a pas chez lui de sortes de conclusions qu’il n’ait soin d’expliquer à l’intelligence… » Alors, est-il absolutiste ? Il l’est,