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Nous le méritons : des six ministères précédens, pas un n’a été renversé par un geste des Chambres, pas un n’est tombé par le refus délibéré d’une opposition. Cette opposition, à ne rien dissimuler ni déguiser, n’a pas manqué de naître et de les gêner, sourde ou criarde selon les heures ; mais ils ont eu constamment la majorité contre elle, et, de l’un à l’autre, ils se sont légué le secret de s’en débarrasser, en l’absorbant. Non, et c’est ce qui vaut d’être noté, ce ne sont pas les caprices du Parlement qui, du ministère Viviani au ministère Ribot, ont entretenu ou aggravé à notre détriment l’espèce de paralysie ou d’ataxie gouvernementale qui résulte d’une perpétuelle instabilité : tous, sans exception, se sont défaits par une opération intérieure; ils n’ont pas été démolis, ils se sont désagrégés; du dedans, pas du dehors: l’instabilité du gouvernement est venue des ministères mêmes, ou de certains ministres mêmes; inutile de citer des noms : l’ordre chronologique les évoquera.

Quoi qu’il en soit, M. Malvy ayant donné sa démission, par suite de circonstances sur lesquelles il serait oiseux de revenir, M. Ribot pensa que l’occasion était bonne de remanier son ministère et, en le rajeunissant, de lui rendre la vigueur qu’il n’avait plus. Il crut qu’il suffirait, pour en faire un gouvernement, de changer quelques personnes, et fit dire qu’il ne comptait pas appeler plus de quatre ou cinq nouveaux collaborateurs. « La nécessité de ne pas entraver le fonctionnement des services et les exécutions de toutes les œuvres de guerre » l’avait porté, en effet, à ne pas se séparer de la plupart des anciens ministres, « notamment des trois ministres de la Défense nationale et du ministre des Finances. » C’était, d’un certain point de vue, la sagesse même. Le dimanche matin, nous avions donc, sur cette base, un ministère reconstitué. M. Ribot demeurait président du Conseil, M. Painlevé ministre de la Guerre, M. Albert Thomas, ministre de l’Armement et des Fabrications. Avec eux demeureraient au moins M. Chaumet, M. Thierry. Pour le reste, on s’arrangerait.

Seulement, M. Ribot, tandis qu’il échafaudait cette construction plutôt fragile, en matériaux qui, presque tous, s’ils n’étaient pas usés, avaient déjà servi, n’avait pas pris garde à la réunion qu’avait tenue, avant même l’ouverture officielle de la crise, le parti socialiste, ni à l’ordre du jour où ce parti avait consigné le plus clair de ses confabulations. Quand on dit « le plus clair ! » Mais enfin, le plus substantiel, le plus positif de la motion était que le parti socialiste se réservait de discuter s’il continuerait ou non de prêter