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Sans doute, les fédérés, les volontaires, arrivant par bandes aux armées, étaient moins portés à accepter la règle. Mais Dumouriez entendait que leur bruyant patriotisme se pliât aux nouvelles nécessités. « Dites aux fédérés de Châlons que je compte sur eux, qu’ils sont des hommes, des Français, des républicains. Mais dites-leur aussi que la Nation ma transmis les pouvoirs les plus étendus et que j’en userai. » Tout séditieux serait exécuté ; tout bataillon qui se mutinerait serait désarmé comme noté d’infamie. « Je ferai, écrivait encore le général en chef au ministre, une justice sévère et expéditive. » En fait, il faisait chasser, comme traître à la Nation, tout indiscipliné. Mais s’il en trouvait dans les volontaires, il n’en trouvait plus guère dans les vieilles troupes. C’était l’esprit de toute cette armée de ligne, c’était celui des soldats de Metz. Le député Simond qui les rencontrera, entre Bar-sur-Ornain et Sainte-Menehould, tandis que, sur le flanc de l’armée prussienne, ils accourent renforcer l’armée de Dumouriez, en portera témoignage : « Cette armée était dans un grand état de délabrement, mais ses soldats qui n’avaient pas de souliers, paraissaient tous gais et dispos ; ils ne se plaignaient pas et n’avaient d’autre mot à la bouche que : Ça ira. » C’était le : « On les aura » de l’époque.

Les Prussiens, ayant fait capituler Verdun, forçaient maintenant les « Thermopyles de la France, » les passages d’Argonne. Si les soldats qui, sous Dumouriez et Kellermann, attendaient l’ennemi sur le plateau de Valmy, avaient ressemblé à ceux qui, en avril 1792, décampaient lâchement, la France était livrée. C’étaient bien les mêmes hommes, mais ce n’étaient plus les mêmes soldats. Le civisme, fouetté par l’invasion, avait fait ce miracle de rétablir parmi eux la discipline, « force principale des armées. » C’était une discipline joyeusement acceptée ; elle n’était ni servile, ni craintive ; elle éclata dans l’attitude résolue des canonniers à leurs pièces, des fantassins alignés, des cavaliers sur leurs bêtes. Le Prussien déçu lâcha pied devant le moulin de Valmy, vaincu, — fait à noter, — moins par leur vaillance, qui dans ce court face à face qui ne fut point un corps à corps, à peine put se déployer, que par leur fermeté, fruit de la discipline rétablie.