Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/784

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ordre, « les plus cruels que pût avoir la République. » Le général, réussissait à en imposer. « Quelques turbulens murmuraient contre lui, écrit M. Arthur Chuquet, mais l’armée tout entière faisait son éloge. Elle l’aimait et le craignait à la fois. Elle disait qu’il l’avait sauvée d’une désorganisation complète, qu’il la ranimait, qu’il lui rendait vigueur et confiance. » « Le soldat, écrit un chirurgien de l’armée, désespérait de vaincre, invoquait la discipline, demandait un chef sévère et expérimenté. Custine est venu ; et l’espoir renaît dans les cœurs, le soldat est plein de satisfaction et d’ardeur… »

Il faut voir de quelle façon un rude général, Schauenbourg, divisionnaire à l’armée de la Moselle (sa correspondance a été publiée par le colonel Collin, du 4 avril au 2 août 1793)[1], veille au rétablissement de la discipline, ne négligeant aucun détail et flétrissant « le c… qui vient, en dépit de l’établissement de latrines, infecter le camp, » et le soldat qui laisse rouiller son fusil, avec la même vigueur que l’homme qui s’éloigne de son poste ou répond insolemment à ses chefs. Et il a raison ; car en matière &’ordre, tout se tient ; le désordre moral surgit du désordre matériel, quand il ne l’engendre pas. Et le soldat, dès cette époque, comprenait que son bien-être même ne pouvait être que le fruit de la discipline, pratiquée dans les petites comme dans les grandes choses. Un Custine, malgré sa rigueur, un Schauenbourg, malgré sa rudesse, étaient aimés des troupes. « Ce sont nos sauveurs, » disaient les soldats de ceux qui, — dans ces six mois, — avaient su rétablir, de la mer du Nord au Palatinat, une discipline parfois très dure.


De son côté, la Convention continuait à réagir. De Danton à Robespierre, tous maintenant comprenaient ce que la Tour du Pin avait si éloquemment exprimé, trois ans avant à la tribune de la Constituante, sur la « démocratie militaire. » Du 16 au 21 août, un débat avait abouti à l’établissement de décrets destinés à « rétablir la subordination. » Le 21 décembre 1793, l’Assemblée révolutionnaire avait interdit à tous les corps de troupes de la République d’envoyer des députations à sa barre et, par-là, étouffé un des pires élémens dont se nourrissait l’indiscipline. Elle avait

  1. Colonel Collin, La tactique et la discipline dans les armées de la Révolution, Correspondance du général Schauenbourg. Paris 1902.