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Voilà ce que de très bonne heure, à la lumière de sa foi religieuse et des enseignemens de la Commune, Albert de Mun a vu admirablement. A une époque où l’on ne se préoccupait guère, surtout dans les milieux politiques, de la question sociale, déjà posée partout, il en a compris toute l’urgente gravité. Et pour la résoudre dans un esprit de stricte justice et de haute charité, il a conçu et préconisé deux moyens essentiels : l’association catholique et la législation sociale.

Convaincu « qu’il ne saurait exister de paix sociale réelle en dehors du christianisme[1], » il a vu dans les cercles catholiques d’ouvriers, qui ont été, disait-il un jour, « la grande affaire de sa vie[2], » la meilleure manière de préparer cette paix sociale, objet de ses lointains efforts. Dans une page qu’il écrivait en 1876, au moment où il allait entrer à la Chambre, il formulait ainsi le programme et l’esprit de l’œuvre :


Opposer à la Déclaration des Droits de l’homme, qui a servi de base à la Révolution, la proclamation des Droits de Dieu qui doit être le fondement de la Contre-Révolution, et dont l’ignorance ou l’oubli est la véritable cause du mal qui conduit la société moderne à sa ruine ; rechercher, dans une obéissance absolue aux principes de l’Église catholique et de l’infaillible enseignement du Souverain Pontife, toutes les conséquences qui découlent naturellement, dans l’ordre social, du plein exercice de ce droit de Dieu sur les sociétés ; propager par un public et infatigable apostolat la doctrine ainsi établie ; former des hommes déterminés à l’adopter comme règle de leur vie publique aussi bien que de leur vie privée, et à en montrer l’application dans l’Œuvre elle-même par le dévouement de la classe dirigeante à la classe populaire ; travailler sans relâche à faire pénétrer dans les mœurs ces principes et ces doctrines, et à créer une force organisée capable de les faire triompher, afin qu’ils puissent trouver leur expression dans les lois et dans les institutions de la nation : tels doivent être l’esprit et le but de notre Association, pour qu’elle réponde au programme qu’elle s’est elle-même tracé dès son origine, quand elle a, par l’Appel aux hommes de bonne volonté, du 25 décembre 1871, hautement déclaré la guerre à la Révolution[3].


En relisant cette déclaration trente-deux ans plus tard,

  1. Discours, t. IV, p. 53.
  2. Discours, t. II, p. 284.
  3. Ma vocation sociale, p. 285.