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discipliné des officiers de réserve, en même temps que le plus rude à ses subordonnés ; tout de même, les démocrates allemands, à peine descendus dans la lice ensanglantée, se transforment magiquement en fermes suppôts du capitalisme national. Au vrai, le socialisme, tel qu’on le conçoit habituellement en France, est pour eux simple article d’exportation, mais, à aucun degré, remède pour l’usage interne.

Voyez plutôt. On a parlé, — et on en parlera jusqu’à solution intégrale, — de restituer l’Alsace-Lorraine à sa patrie d’élection. Non pas ! s’écrie bien vite, en août 1916, l’organe socialiste de Mulhouse, la Volkszeitung : « L’Allemagne ne le peut pas, à cause des ressources de la province d’Empire en minerai et en potasse. » Puis, à la même époque, le comité des syndicats ouvriers se réunit solennellement pour délibérer sur les « buts de guerre ; » il réclame « comme condition primordiale de la sécurité allemande, la création d’une forte position difficilement attaquable, sur le continent,. le développement nécessaire de la situation et de l’influence allemande outre-mer. » Et, tout ce fatras restant assez nuageux, un socialiste majoritaire, le camarade Leimpeters, précise deux mois plus tard dans la Glocke : « La pétition de paix répandue par les dissidens du groupe Haase-Ledebour pourrait faire croire que les socialistes allemands sont des adversaires résolus de toute annexion. Rien n’est plus faux. J’ai l’occasion de causer tous les jours avec des camarades du parti et « presque tous sans exception » sont annexionnistes : les plus ardens partisans de Liebknecht eux-mêmes ne veulent rendre ni la Belgique, ni aucun des territoires que nous occupons. Si les annexions dépendaient des membres de notre parti, on en trouverait 90 pour 100 pour les approuver. Tous ceux qui reviennent du front voteront pour, sans s’inquiéter si une telle décision serait conforme aux « principes » ou au marxisme. »

C’en est assez, assurément, pour justifier ce jugement catégorique rendu en juin 1917 par l’organe zimmerwaldien de Zurich, le Volksrecht : « La bourgeoisie allemande unanime, — si l’on fait abstraction de certains cercles pacifistes sans aucune influence politique, — est impérialiste et annexionniste jusqu’aux rangs des socialistes majoritaires. »