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Puis, brochant sur le tout, les lassantes et paralysantes querelles de doctrine qui, parce qu’un principe s’est en un temps déterminé trouvé d’accord avec les faits et les besoins du moment, et le redeviendra peut-être en des circonstances analogues, prétend faire de ce principe une sorte de lit de Procuste dont l’humanité n’aura plus jamais le droit de sortir et où la maintiendront de force les traditionnalistes irréductibles, les paresseux d’esprit et surtout le peuple, innombrable dans les vieilles sociétés, de ceux qui professent l’horreur des soins matériels, l’ignorance des chiffres et le mépris pour tout travail qui n’est pas purement spirituel…

En tout cela, où est l’idée synthétique ? où, la volonté dirigeante ?


VI

L’une et l’autre sont en germe, mais en germe seulement, dans la conférence économique interalliée de juin 1916. Il est temps que la moisson lève.

On se souvient des événemens qui provoquèrent la réunion de cette conférence : depuis plusieurs mois déjà, Allemands et Austro-Hongrois s’occupaient à préparer la Mittel Europa, c’est-à-dire l’union douanière de l’Europe centrale. Cette perspective surprit les gouvernemens de l’Entente au milieu des tâtonnemens empiriques avec lesquels ils s’efforçaient de résoudre, au jour le jour, les problèmes qui se posaient dans le monde, si nouveau et si imprévu pour eux, créé par la guerre. Leurs délégués se rencontrèrent à Paris. De cette délibération sortit une série de résolutions de principes, d’où il résultait qu’une alliance commerciale devait succéder à l’alliance militaire, si l’on voulait parer au péril, désormais évident, de la menace économique : menace plus redoutable peut-être que l’agression armée, parce que moins apparente et plus insidieuse, procédant par infiltration lente, déterminant des empoisonnemens sournois et progressifs qui ne pourraient manquer à la longue de frapper d’ataxie les forces de production de tous les non-Allemands.

On ne fit cependant que jeter les bases principales de l’union. Plusieurs circonstances s’opposaient à ce que l’on fit mieux tout d’abord et que l’ébauche se transformât en dessin achevé.