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prisonnières que réjouit l’oiseau de France, je reconnais vos masses sombres à la lointaine ligne d’horizon !

De la Seine à l’Oise, de la Somme à l’Escaut, la terre est d’or ! L’épi déferle sur la plaine unie comme une fauve marée… Le territoire envahi se ternit de taches plus sombres, plus nombreuses surtout !… Une bande verdâtre sépare les deux camps ; un fleuve gigantesque et livide, descendu des Vosges et des rives du Rhin, se précipite vers la Manche, baignant Reims, Soissons, Arras de ses eaux. Ainsi paraît la zone en friches réservée au combat, nettement distincte des moissons mûres ! Au centre de cette bande, une autre plus petite encore, une rivière brune, un aspic qui dort : la terre des tranchées fraîchement remuée par l’obus meurtrier ou la pelle du soldat.


            Zon ! Zon !

. . . . . . . . . . .

Vibrons, laissons-nous vivre !


bourdonnent là-haut les moteurs assoiffés d’espace !

« On les a ! »


Septembre.

Hindenburg, désormais généralissime des forces allemandes, raccourcira-t-il son front jusqu’à la Meuse, comme essayent de le lui persuader les journaux, ou restera-t-on encore sur place ? L’avance se ralentit ; l’ennemi creuse en arrière de nouvelles lignes de défense. L’atmosphère est si limpide qu’on en perçoit les moindres détails, jusqu’au plus petit trou d’écoute du plus infime boyau ! Un délicat macramé semble brodé sur la terre ; l’enchevêtrement inextricable des tranchées rappelle ces dessins anatomiques de la circulation sanguine ou du système nerveux !

Les moissons fauchées laissent la campagne uniformément grise. Chaulnes va disparaître, tout doucement, telle la lune à son décours ; la ville s’évanouit, mangée par le canon ! Demain peut-être je ne retrouverai plus rien ! Non loin de ces parages peu hospitaliers, d’infortunés amis possèdent une charmante propriété. À six heures, un soir, j’en trace le relevé : château intact, futaie brûlée, village partiellement détruit et coupé en deux par une tranchée, terrasse et jardin également divisés