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renaissait dans son’ âme. « La nation, déclarait-il, est tout entière travaillée par le sentiment de la patrie. C’est la conclusion de ce livre et c’est aussi, pour la France, la consolation suprême et la suprême espérance. »

Cependant les événemens se précipitaient. Après Agadir et l’affaire du Congo, la guerre italo-turque ; après l’affaire de la Tripolitaine, la guerre des Balkans ; après le traité de Londres et celui de Bucarest, les nouvelles lois militaires et les armemens précipités de l’Allemagne. « L’heure décisive » approchait : il fallait s’y préparer. De l’avoir vu avec une admirable netteté, d’avoir dépensé, à proclamer cette vérité nécessaire, tout ce qu’il y avait en lui d’activité, de haute raison, d’éloquence, — n’eût-il fait que cela dans sa longue carrière d’homme public, Albert de Mun eût mérité qu’on saluât en lui l’un des plus grands Français de notre temps. Qu’on relise, par exemple, l’Avant-Propos de son avant-dernier volume : on y trouvera, en six pages, un exposé de la situation politique internationale, qui, pour l’exactitude des faits, — au moment où elle était écrite, — la vigueur ramassée et suggestive des formules, la justesse des pressentimens, serait digne d’être placé à côté des rapports diplomatiques les plus fameux de notre Livre Jaune. Quel merveilleux ambassadeur, se dit-on, en relisant ces pages, eût fait Albert de Mun, si l’on avait su utiliser toutes ses aptitudes ! Il est vrai qu’en ces années d’avant-guerre, il avait un autre rôle, plus utile peut-être, à jouer : celui d’éclairer et de redresser l’opinion, que tant de sophismes intéressés ou aveugles risquaient d’égarer encore. Et ce rôle, il le jouait avec une ardeur et une autorité admirables. Il se dérobait à toutes les intrigues parlementaires qui, hélas ! suivaient leur cours. « Résolument, il écartait loin de sa pensée, de sa parole, de ses écrits, non seulement toutes les préoccupations de parti, mais toutes les récriminations, tous les ressentimens, même les plus légitimes : il ne songeait qu’à la patrie. » Il se contentait d’être une sorte de ministre ou de fondé de pouvoirs de la conscience nationale.

La guerre est inévitable ; elle est virtuellement conditionnée et exigée par l’état actuel de l’Europe ; elle est voulue moins par les princes que par les peuples. Comme un fruit mûr qui tombe de l’arbre, elle se détachera, elle fondra sur nous à