Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

popularité dans les villes ; enfin que la constitution de Francfort a été accueillie avec le plus vif enthousiasme dans tout le pays.

Pourtant il faut éviter de s’exagérer la valeur de ces manifestations. Venedey et Robert Blum n’ont pas représenté au Parlement germanique la cité qui les a vus naître : ils tenaient leur siège, l’un de Giessen, l’autre de Leipzig. Au contraire, Aix-la-Chapelle, Trêves et Cologne élisent des députés qui s’appellent W. Smets, L. Simon, et Raveaux. Le premier a chanté la gloire de Napoléon. Le second était républicain et mourut en exil après avoir été condamné à mort pour sa participation aux troubles de 1849. Le troisième, fils d’un Français qui sous l’Empire occupait les fonctions de garde-magasin à la citadelle de Deutz, avait été compromis dans l’émeute de 1846 ; c’est sur sa proposition que l’Assemblée de Francfort vota, le 27 mai 1848, la motion qui donnait la prééminence à la future constitution allemande sur toutes les constitutions des États particuliers, et cela au moment où la monarchie des Hohenzollern annonçait l’intention d’accorder aux sujets du roi le statut promis en 1815 : dans cette intervention de Raveaux nous ne pouvons voir qu’un acte de défiance vis-à-vis de la Prusse. Tranchons le mot : dans la vallée du Rhin la Révolution de 1848 est antiprussienne, et cela constitue l’un de ses caractères les plus évidens.

Elle est violemment antiprussienne. Comme telle, elle cache ses tendances séparatistes sous des dehors unitaires, par une apparente contradiction qu’il est facile d’expliquer. En effet, du moment que les populations font effort pour échapper à la tyrannie qui les écrase, il est naturel qu’elles cherchent un appui dans le pouvoir qui s’oppose le plus directement à celui de leurs maîtres. De là les démonstrations que nous avons énumérées en faveur de la cause dite « nationale. » Pourtant chacune de celles-ci, avant tout, est dirigée contre Berlin et la monarchie des Hohenzollern. Que dans l’amour que l’on témoigne à la cause allemande il entre, selon les circonstances, quelque parcelle de sincérité, voilà qui n’est pas dénué de vraisemblance, mais cet amour n’a jamais que la valeur d’un élément accessoire : la haine de la Prusse, toujours, est le sentiment qui domine.

Catholiques et démocrates s’entendent merveilleusement pour la même œuvre de libération. Ils ont le même programme, en somme, celui que présentent les libéraux à Francfort. Mais