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le général Guslavin. Non seulement il m’a soigné avec le dévouement et la bonté que vous lui connaissez, mais sa compagnie, pendant ces longues heures de réclusion, m’a été bien précieuse, et sa gaîté, aussi bien que ses soins, a certainement contribué à mon rapide rétablissement.

« Aussi, j’estime qu’en face de résultats aussi remarquables, le général Gustavin mériterait d’être promu au grade supérieur. Je remets la chose entre vos mains.

« Je compte quitter dans une dizaine de jours la rue Bizet pour aller dans le Midi, puisque ce mois de septembre n’est pas très chaud. Ce ne sera pas sans émotion que je quitterai cette chère rue Bizet où j’étais arrivé mourant, et d’où je partirai en assez bon état, grâce en grande partie à vos Sœurs. Aussi garderai-je de leur rayonnante charité un éternel souvenir.

« Veuillez agréer, chère Sœur Ignace, l’expression de mes sentimens très respectueux.

« Général GOURAUD. »


Cette lettre était du 7 septembre 1915, et depuis deux mois, en effet, Sœur Ignace était à Moosch, tout à côté de son village, à quelques minutes de Willer, dans le joli coin d’Alsace où elle était née, et qu’avait reconquis la France. Un riche propriétaire du pays y avait fondé un hôpital pour les ouvriers de la région, et la construction venait d’en être achevée à la déclaration de guerre. On y avait établi une ambulance, confiée à l’Ordre du Divin Sauveur, et Sœur Ignace venait d’y être envoyée pour y apporter L’impulsion qu’elle savait donner partout. Arrivée au début de l’été, elle s’était retrouvée ainsi avec les beaux jours dans la vallée de son enfance, où le fracas du canon et des obus remplaçait maintenant le bruit des usines et le fredonnement des moulins.

Aussitôt à l’hôpital, elle y apportait l’ordre et la vie, et la direction n’avait pas tardé à lui en être à peu près laissée quand elle annonçait, le 12 août, à ses Sœurs de la rue Bizet, qu’il « y avait des taubes sur Moosch, » et leur écrivait, une quinzaine de jours après, un peu inquiète, malgré la solidité de sa bonne humeur : « Bien chère Sœur Séraphine et bonne Mère Théobaldine, quelle aventure ! Figurez-vous, on était en train d’opérer et de travailler, quand tout d’un coup éclatent des obus… Oui, messieurs les Boches ont inventé, et nous ne savons