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vieux colonel Henry de Maistre, blessé à Gravelotte quarante-quatre ans auparavant, retraité comme son frère le général, mais ayant réussi à reprendre du service, et y succombant d’épuisement, pendant que son fils, le lieutenant Louis de Maistre, se distingue brillamment dans les batailles de Champagne !

Et, cet élan à servir, les hommes ne sont pas seuls à le suivre dans la famille ! Comme leur frère le baron Jacques, qu’une infirmité empêche de porter Les armes, mesdemoiselles Geneviève et Jeanne de Maistre se dévouent avec lui au soin des blessés sous les bombes, dans leur ambulance de Vauxbuin, et ne cessent d’y affronter tous les dangers du front, ainsi qu’en témoigne, avec la citation à l’ordre de l’armée, la croix de guerre avec palme attachée à leur corsage d’infirmières !

Maintenant, voici les comtes de Maistre, ou les de Maistre de Savoie. Descendans ou neveux du grand Joseph de Maistre, ils vont être plus prodigues encore des leurs que les premiers, et les soldats de carrière, les martyrs du devoir, les blessés, les morts, vont même sembler, chez eux, ne plus pouvoir se compter !

Au plus fort de la persécution antimilitariste, le comte Rodolphe de Maistre a donné sa démission de capitaine de cavalerie, et vit, depuis dix ans, retiré en Normandie, dans son château de Beaumesnil, lorsque la guerre éclate. Il demande aussitôt sa réintégration, l’obtient, est nommé commandant, chevalier de la Légion d’honneur, cité à l’ordre du régiment, et ses deux fils aînés, Joseph et Henri de Maistre, se distinguent en même temps chacun dans son arme. Sous-officier de dragons, Joseph fait toute la campagne de Belgique, perd son cheval dans une fondrière à l’affaire de Saint-Vincent-Rossignol, n’échappe aux Allemands qu’en traversant la rivière à la nage, se cache dans les bois, rallie en route des hommes partis pour se rendre, et les ramène avec lui dans nos lignes. Henri, mobilisé comme sergent, est gravement blessé dès le début de la campagne, guérit, repart, est nommé sous-lieutenant, et blessé de nouveau à l’Hartmansweillerkopf, où il reste aux mains de l’ennemi avec les débris de son régiment. Il avait reçu sa première blessure dans une reconnaissance de nuit et, rampant alors au fond d’une tranchée, d’où il cherchait à voir dans la tranchée voisine, il y apercevait les Allemands, faisait un signe