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tranchées sur la berge. Mais à peine avaient-ils commencé qu’en face d’eux l’ennemi annonçait sa manœuvre. Et l’on vit, spectacle stupéfiant, de larges bacs de tête notre qui, poussés par d’invisibles bras, s’avançaient vers la raie à peine ridée des eaux. Ainsi donc, les Turcs avaient pu traverser le Sinaï entraînant à leur suite tout cet encombrant et lourd train d’équipage !

Les mitrailleuses néo-zélandaises commencèrent, aussitôt, d’entrer en action et les balles, frappant sans trajectoire les pontons métalliques, y battirent un infernal branle-bas jusqu’à ce que ceux-ci, troués de part en part, demeurèrent incapables d’aucun service. Décontenancés, les Turcs se rejettent en arrière et s’abritent, en hâte, dans des trous d’obus. Mais ils n’y peuvent demeurer longtemps, car les 305 des cuirassés anglais ancrés dans le lac Timsah et les 274 du garde-côte français Requin bouleversent le sol, soulevant, dans un indescriptible mélange, de blondes gerbes de sable et des débris humains.

La nuit suivante fut marquée par de nouvelles angoisses : la canonnade fit rage. Or, au matin, on s’aperçut que les Turcs battaient en retraite. Des centaines de cadavres, à demi enfouis déjà sous le sable, disaient assez ce que coûtait à Djemal pacha sa tentative avortée. Un officier allemand gisait à moins de cent mètres du canal. A ses papiers on le reconnut pour le major von dem Hagen ; et, tandis que des Indiens creusaient de larges fosses pour y ensevelir les morts, on fit à l’officier allemand les honneurs d’une tombe à part. Sur un large espace le sol était jonché de débris de toute sorte, fusils, cartouches, boites à munitions déjà remplies de sable. Au loin, dans un nuage mouvant que rosissait le soleil, un parti d’infanterie néo-zélandaise tiraillait contre l’arrière-garde ottomane. Puis, de nouveau, un calme relatif renaissait autour du canal. Le danger semblait éloigné ; les Anzacs rentrèrent à Héliopolis et reprirent le même et monotone entraînement, creusant, le matin, des tranchées d’exercice qu’au soir le sable du désert poussé par le vent remplissait à demi.


VERS GALLIPOLI

Si le rôle des Anzacs dans la campagne du Sinaï était demeuré, jusqu’ici, à peu près inconnu, il n’en va pas de même pour leur superbe conduite aux Dardanelles. Les combats soutenus par