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un sentier, où peuvent à peine tenir trois hommes de front, ils montent, en file indienne, courbés sous le sac, d’un geste rythmé balançant leur fusil. Puis, un moment vient où, exaspérés par la mousqueterie turque, les Néo-Zélandais jettent leur équipement, s’agrippent aux flancs de la sanglante falaise et par bonds escaladent la pente. Ainsi, une première, puis une seconde tranchée sont conquises. Mais, sur le sommet, c’est une autre mêlée. Des chevaux attelés par huit se tendent douloureusement sous le claquement des fouets et le cruel appel des éperons. A travers le sable où s’enfoncent les roues, ils amènent des canons de renfort et les obus plus nombreux partent, arrivent, tombent, éclatent. Et la lutte se poursuit toujours plus confuse et s’augmente l’enchevêtrement des effectifs : groupes épars et privés de liaison, débris de sections anéanties. Le pire dommage venait de pièces Krupp, amenées à Gaba Tepe, qui démolissaient des lignes entières d’assaillans. C’est alors que les 9e et 10e bataillons néo-zélandais s’enlèvent dans un nouvel et frénétique assaut et viennent clouer sur leurs pièces artilleurs turcs et allemands. L’entreprise avait été commencée à quatre heures. A quatorze heures, 12 000 hommes qui avaient réussi à débarquer hissaient sur la pente dix légers canons indiens. L’ordre commençait de se rétablir ; mais il fallut en rester là : le sommet était tenu, maintenant, par 20 000 Ottomans, au moins. Le seul résultat acquis, c’était une bande de terrain entre Gaba Tepe et Ari-Burnu. Au terme de cette journée, funeste entre toutes, les Anzacs combattaient coude à coude, tandis que, tous leurs officiers morts, de simples soldats commandaient des compagnies.

Nous n’avons pas à entrer dans le détail des opérations militaires aux Dardanelles : nous nous proposons seulement de dépeindre ce que fut la vie des soldats venus du Pacifique à Gaba Tepe. La résistance ennemie s’est organisée. Il faut renoncer à l’espoir de succès rapides et se contenter du terrain conquis. Ainsi, jusqu’au mois d’août 1915, les trente mille soldats d’Australasie devront vivre et combattre sur quelques centaines de mètres carrés de sol turc. Accrochés aux flancs du massif de Sari Bahir, dominés de toutes parts, Ils vont se retrancher en gradins échelonnés de la côte au sommet. A travers les buissons défrichés, ils taillent des routes au bord desquelles les quartiers généraux s’installent dans des bâtimens faits en sacs de