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n’a pas dit et qu’on lit dans le récit du XVIe siècle ne mérite probablement pas la même confiance. Pourtant l’anonyme du XVIe siècle n’a pas l’air d’inventer ce qu’il raconte. Il a sans doute une certaine coquetterie de style ; mais, pour les faits, il a consulté les chroniques de l’ordre des Mineurs et les pièces fournies au procès de canonisation. Mme Madeleine Havard de la Montagne vient de traduire, avec une simplicité gracieuse, la vie italienne de sainte Claire.

Vaut-il mieux dire la légende de sainte Claire ? Comme on voudra. Le volume de Mme Havard de la Montagne est précédé de trois lettres, du ministre général de l’ordre des Franciscains, du ministre général de l’ordre des Capucins et du maître général de l’ordre des Frères-Prêcheurs. Aucun de ces trois religieux n’atteste la rigoureuse vérité de tout le récit. Voire, le R. P. Venance de Lisle-en-Rigault, ministre général de l’ordre des Capucins, écrit : « Peut-être quelque savant, en les examinant à la loupe, — ces petites fleurs de sainte Claire, — protestera-t-il bien haut que, dans le nombre, il s’en trouve d’artificielles, que certains récits manquent de base historique… » Le R. P. Venance ne souhaite pas de réfuter le savant méticuleux. Il est possible que les miracles de sainte Claire semblent fabuleux à diverses personnes qui réservent à la Science une crédulité souvent mise à de rudes épreuves. Ces miracles sont déjà dans la vie rédigée par Thomas de Celano, pour la plupart. Ils ont été recueillis avec autant de précaution qu’il se pouvait et, en tout cas, notés avec bonne foi. Messire Barthélémy, évêque de Spolète, avait reçu du Pape Innocent IV la mission d’aller, dès après la mort de Madame Claire, au monastère de Saint-Damien, prendre toutes informations et faire, comme on dit maintenant, une enquête. Il était accompagné de messire Léonard, archidiacre de Spolète, de messire Jacques, archiprêtre de Trevi, des saints frères Léon et Ange de Rieti, compagnons de saint François, — frère Ange qui ne quittait jamais le petit pauvre d’Assise, et frère Léon qui, dans la confrérie, avait le surnom de la Brebis de Dieu ; — il emmenait encore un notaire, sire Martin, qui devait consigner les témoignages. Ces dignes hommes interrogèrent les Pauvres dames et attribuèrent plus d’importance aux réponses que firent « quelques sœurs âgées et de vertu constante. » Thomas de Celano et l’arrangeur du XVIe siècle ont très bonnement laissé dans la narration les traces de l’enquête menée par l’évêque de Spolète et ses collaborateurs. Un jour que Madame Claire était malade, un prêtre lui apporta la sainte communion. Et alors, l’une des sœurs, nommée Françoise, vit sur la tête de l’abbesse une