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laissèrent le trône à la race hautaine, sceptique, voluptueuse, brillante et corruptrice des Valois. Eux jettent la France à d’autres destinées. Leur culte d’eux-mêmes rétrécit leur vision du monde : ils n’ont plus l’âme universelle de leurs prédécesseurs, mais seulement nationale. Leur sollicitude ne s’étend pas au-delà du territoire qu’ils possèdent ou ambitionnent, et leur France ne sert plus qu’elle-même. Avec eux, notre histoire commence à préférer l’intérêt particulier à l’intérêt général, car ils tiennent pour adversaires nés les Etats, croient que le mal de l’un est le bien de l’autre et veulent se dresser sur l’abaissement de tous. L’idée d’entretenir entre les races la communion de l’esprit est devenue étrangère à ces princes qui s’allient contre les catholiques aux protestans et au Turc, cela sans autre dessein que de grandir leur royaume, et eux par leur royaume. Si brillante qu’ait été à certaines heures cette politique, elle était par la portée, la conscience et les profits, inférieure à la vocation première de la France, au dessein de rendre sacrées les unes aux autres les races formées par une même civilisation et de défendre par leurs forces unies contre l’anarchie des races et des croyances inférieures cette « société des nations » que l’on ose à peine espérer au lointain avenir, comme le dernier progrès de la raison humaine, et qui fut, pendant des siècles, la fille de la conscience française.

Or c’est au moment où la mission de la France se rétrécit et s’abaisse que l’abondance de la race commence à faiblir. Le travail cesse d’être à l’ancienne taille de l’ouvrier. L’unité partout se morcelle. C’est encore l’Allemagne qui donna l’exemple des ruptures. Ailleurs il y avait eu la discordance des particuliers, là il y eut la défection d’une race : ce pays des princes avides se trouva celui des théologiens contentieux et des prêtres sensuels, et par leur coalition la Renaissance engendra la Réforme. L’unité de foi disparue, l’ancienne religion se trouvait réduite, mutilée, même dans les pays où persistait le catholicisme. La France, malgré l’audace des huguenots et les oscillations du gouvernement, demeura catholique par la stabilité de son génie traditionnel ; mais la Réforme s’était trouvée assez répandue pour rendre, par la contagion de l’exemple, les catholiques moins soumis à la doctrine qu’ils prétendaient maintenir. Un goût nouveau de contention et de marchandage, se substituant à l’ancienne docilité, réduisait la part de Dieu