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armée active, je me propose de le suivre partout. Le séjour de Paris serait un supplice pour moi sans lui et sans ma chère Constance…

« Je te permets, ma bien-aimée, de couper tes cheveux, mais j’exige de toi, toujours d’après ta déférence à mes conseils, de les laisser grandir quand ils ne tomberont plus. Tu ne les auras plus jamais aussi beaux qu’ils étaient, mais cependant ils pourront bien revenir et tu pourras en avoir encore assez pour n’être pas obligée, au bout d’un certain temps, de mettre un cache folie, ce qui n’est pas aimable, je le sais par expérience et tu peux m’en croire. Adieu, ma chère Constance, je vais faire un petit bout de toilette pour voir Mme Murat, elle s’est fait saigner il y a trois jours. »

Pour achever de lui donner le dégoût de sa situation, voici qu’à présent on lui retire la place qui lui avait été promise : « Lundi dernier, écrit-elle le 30 vendémiaire an XIII (22 octobre), en me rendant à la soirée de Mme la maréchale Murat, elle m’annonça qu’elle avait reçu l’arrêté de l’Empereur qui me nommait près d’elle une des dames pour accompagner. Mme de Beauharnais, parente de l’Impératrice[1], dont le mari est sénateur, est sa dame d’honneur. Tu penses, ma bien-aimée Constance, qu’il n’a pas pu exister de concurrence entre elle et moi, et j’ai dû être sensible à la manière toujours aimable dont Mme Murat m’a annoncé qu’en cas de maladie ou d’absence de Mme de Beauharnais, ce serait moi, comme la première des dames pour accompagner, qui remplirais ses fonctions et, à cet effet, elle n’a voulu d’abord présenter à l’Empereur que moi et Mlle de Lagrange (actuellement Mme Adélaïde Lagrange) ; les autres ne seront donc nommées que par un arrêté postérieur au mien. Je ne te parlerai point des autres marques de bonté et d’intérêt que m’a témoignées Mme Murat en cette circonstance. Il te suffira de savoir que je me trouverai satisfaite de mon sort, tant que ma santé se soutiendra aussi bonne qu’en ce moment.

« Maintenant, je vais t’entretenir de ce qui vous regarde,

  1. Suzanne-Élisabeth-Sophie Fortin-Duplessis a épousé, en 1799, Claude de Beauharnais, cousin du premier mari de Joséphine, veuf de Claude-Françoise Gabrielle-Adrienne de Lezay Marnésia dont il avait eu pour fille Stéphanie, plus tard grande duchesse de Bade ; de sa seconde femme il avait eu une fille, née le 11 décembre 1803. Il était sénateur avec sénatorerie et fut comte de l’Empire, chevalier d’honneur de L’Impératrice Marie-Louise ; il adhéra en 1814 à la déchéance et fut pair de France.