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des ariens, c’est d’eux, tout d’abord, que la famille mérovingienne s’occupa : elle leur envoya des ambassadrices. Une Clotilde, une Ingonde s’en furent au-delà des Pyrénées préluder à la conversion de l’Espagne wisigothe ; une Clodoswinde, mariée chez les Lombards, mettait en ligne, contre l’arianisme, les argumens que lui expédiait, de Trêves, son correspondant saint Nicet. Le nom d’arien allait bientôt devenir une façon d’outrage dont on stigmatiserait, jusqu’en plein Moyen âge, quiconque serait suspect d’hérésie ; et le Christ de Clovis, le Christ de Reims et de Rome, successivement adopté par les diverses nations barbares, régnait définitivement sur l’Europe occidentale, en Fils éternel du Père, tel que les grands conciles l’avaient défini.


II

Sa royauté, au bout de deux siècles, fut l’objet d’une formidable menace. « Les royaumes du monde, avait dit Mahomet, se sont présentés devant moi, et mes yeux ont franchi la distance de l’Orient à l’Occident. Tout ce que j’ai vu fait partie de la domination de mon peuple. » Les Arabes voulurent que l’Espagne et la France, peuple du Christ, devinssent le peuple de Mahomet. Les colonnes d’Hercule barraient les portes de la chrétienté : Tharik fit effraction, leur imposa son nom, Djebel-Tarik, Gibraltar ; et il passa. Un autre flux envahisseur succéda, s’épandant sur toute l’Espagne : Moussa, d’avance, en avait tracé la route ; au-delà de l’Espagne, il visait la « Grande Terre, » la France, et voulait s’en retourner ensuite vers Damas, par l’Allemagne, par les Balkans, par l’Asie-Mineure. Parmi les compagnons de ce visionnaire octogénaire, il en était un, son aîné de vingt ans, qui avait connu Mahomet : dans ces têtes branlantes, toutes les ambitions de l’Islam avaient conservé leur jeunesse ; elles voulaient que les vagues islamiques, submergeant l’Europe, franchissent la distance de l’Occident à l’Orient, comme s’étaient promenés, de l’Orient à l’Occident, les regards du Prophète. Entre le rêve et l’exécution, un obstacle s’interposait : la France.

L’Islam, en 721, commença de la violer. Le duc Eudes d’Aquitaine, sous les murs de Toulouse, fit payer cher aux Arabes d’Elsamah cette première tentative. Narbonne pourtant