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là-dessus et je m’arrange de manière que, si cela arrive, c’est de Bayonne que je partirai pour aller t’embrasser, te croquer, t’étouffer dans mes bras ; enfin, je ne sais pas ce que je ne ferai pas. »

Le départ approche. « J’ai été avant-hier, écrit Mme Saint-Cyr le 22 messidor (4 juillet), faire mes adieux à Mme Petiet., Isidore est bien fâchée de ce que tu ne lui écris pas. Elle m’a chargée de te dire que ton myrte dément bien tes sentimens pour elle, car il est superbe. La mère et la fille dînaient ce même jour chez Cambacérès. De là, je fus chez Mme Louis, qui me demanda comment tu te trouvais à Milan et qui m’observa que tu ne lui avais point écrit, malgré tes promesses. Tu as vraisemblablement des raisons pour ne pas écrire, à cette dernière surtout… Mme Ney part aujourd’hui pour la Suisse[1]. Adèle n’est pas encore mariée[2]. »

Voilà Memelle en route, le 26 messidor (15 juillet), à cinq heures et demie du matin, dans la petite voiture attelée de trois bons chevaux de poste, le cocher conduisant en main les chevaux de voiture. Carra Devaux lui sert de chevalier, et Spitz monte la garde. On va d’une traite à Orléans, et l’on passe même la nuit pour gagner Tours, ce qui est une grande fatigue. De là, en treize heures, à Poitiers ; bref, la carrossée arrive à Bayonne le 3 thermidor (22 juillet), à minuit, — huit jours seulement ! — et cela semble extrêmement rapide. « Elle est venue, écrit. Saint-Cyr, beaucoup plus vite que la poste, et toutes ses lettres pour m’annoncer son départ et sa marche ne me sont parvenues que le lendemain de son arrivée. » Et « jamais elle ne fut mieux ; déjà elle monte très bien à cheval, et nous avons fait ce matin doux lieues, et elle n’est pas fatiguée ; cependant, ce n’est que la seconde fois qu’elle a commencé. » « Je suis allée à Biarisse, petit village à une petite lieue d’ici, écrit de son côté Mme Saint-Cyr. C’est là où, au mois d’août, il vient beaucoup de monde prendre les bains de mer. Il y avait déjà des baigneurs et des baigneuses ; tout est pêle-mêle. » Dès qu’elle est arrivée, commencent les réceptions. « De toutes les femmes qui me sont venues visiter, écrit Armande, il n’y en a

  1. Où son mari était ministre plénipotentiaire et ambassadeur extraordinaire. On écrivait Ney et il semble qu’on prononçait Neye. C’est ainsi que l’écrit Mme Saint-Cyr, Aglaé-Louise (Églé) Auguié, mariée, en juillet 1802, à Michel Ney.
  2. Adèle Auguié, la sœur de Mme Ney, mariée plus tard à M. de Broc. Elle mourut tragiquement à la cascade de Grézy, en 1813.