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Budapest briser les reins de la double Monarchie. Ensuite, il eût fallu savoir et voir que, l’Autriche étant la partie molle, l’organe débile de la coalition de l’Europe centrale, on devait, si c’était possible militairement, aller aider l’Italie à essayer, sur les plans de 1797, par un autre Leoben, à quelques lieues de Vienne, d’atteindre le cœur de la coalition. C’étaient des objectifs que la politique aurait dû donner pour étude à la stratégie ; hors Salonique, où nous nous sommes aussitôt immobilisés, et qui perdait ainsi la plus grande part de sa valeur, elle ne lui a indiqué ni ceux-là, ni d’autres. Elle s’est contentée de pratiquer cette forme rudimentaire de la lutte, qui consiste repousser lorsque l’on est poussé ; de suivre l’adversaire où il lui a plu d’appeler; lui cédant, sans le lui disputer, le bénéfice du terrain et de la surprise, ne tirant de la formule, qui eût pu être féconde: « l’unité d’action sur un front unique, » qu’une dédicace à mettre au bas d’une photographie. L’Italie expie maintenant ce manque d’imagination et ce manque de coordination.

C’est nous qui aurions dû, ce sont les forces combinées de l’Entente qui auraient dû, avant que l’Autriche, appuyée par l’Allemagne, redescendît dans les plaines d’où elle avait été chassée, nous ouvrir la voie vers Laybach. Il est trop tard, à présent. L’avalanche germanique a de nouveau roulé des Alpes de Carinthie et des Alpes carniques. Elle a englouti, du même coup ou en deux coups, Cividale et Udine, tout le Frioul vénitien. L’invasion s’était amassée à loisir, derrière une muraille de montagnes que les avions ne survolaient pas. Quand le personnel et le matériel en ont été assemblés, le chef est venu. L’archiduc Eugène, généralissime nominal ? Le maréchal de Mackensen, conseiller secret ? Certainement le général prussien Otto von Below. Combien de divisions ? Les premières dépêches ont annoncé la présence de vingt-trois à vingt-cinq divisions allemandes, plus quatre divisions bulgares et deux divisions turques, s’ajoutant à tout ce que rendait disponibles, de troupes austro-hongroises, la défaillance du front russe et la stabilisation du front roumain. En y regardant de près, on n’aperçoit guère, comme ayant été engagées, ayant pu être sûrement identifiées, que de cinq à neuf divisions allemandes et six divisions austro-hongroises. Mais leur irruption a été foudroyante. Elles se sont précipitées des sommets, par les gorges, dans les conques où elles ont bousculé les élémens épars de la deuxième armée italienne, dont certains élémens, au jugement même du général Cadorna, ne leur auraient pas opposé la résistance qu’elles devaient rencontrer, mais dont certains autres, une fois remis