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CHRONIQUES DU TEMPS DE LA GUERRE

I
L’ASSAUT REPOUSSÉ


A Robert Dartigues, in memoriam,
P. T.


La visite des champs de bataille m’a semblé longtemps une des formes les plus vaines de la badauderie et, pour tout dire, comme un pompeux héritage romantique. C’est à Verdun que s’est opérée ma conversion. La bataille, quand j’arrivai, faisait rage depuis plus de six mois. Le sol harassé, torturé par un acharnement sans exemple, montrait partout les cicatrices, le sceau confus de cent combats ; dévasté, supplicié, sans ombres, ses villages, ses bois effacés, il n’offrait plus dans ses reliefs, dans ses traits décharnés que le visage farouche et hurlant de la guerre. Rien de plus saisissant que ce paysage de cataclysme. Mais sa plus grande beauté est de tenir dans un regard. On dirait quelque Colisée, quelque amphithéâtre naturel, quelque cirque servant de champ clos au plus grand duel de l’histoire. Là s’est abimé pour des siècles l’orgueil des aigles allemandes, tandis que les collines marquent par leurs degrés et leurs plans successifs les bonds de nos armées, et que Douaumont, là-bas, dominant toute la scène, paraît le plus beau piédestal où se soient jamais posés les pieds de la Victoire.


I

Ce matin-là, j’allais examiner quelques travaux que l’on exécutait au fort de Froideterre. J’étais accompagné par mon