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Ou cueillant le bouquet dont on parle au retour.
Vous êtes là gaieté, charme, génie, amour !
Tout ce qui composait votre âme étincelante
A gardé sa splendeur joyeusement brûlante,
Et j’y réchauffe encor mes tristesses d’enfant.
Vous êtes là, rêveur, mais toujours triomphant.
Je vous revois souvent sous cette clématite
Qui coiffait le perron lorsque j’étais petite…
Ou caressant un livre… ou récitant des vers…
Ou bien, aux bords des bois matinalement verts.
Pour surprendre au logis Celle qui vous accueille,
Enroulant votre front d’un rieur chèvrefeuille.
Aussi, lorsqu’on me croit seule sur un chemin,
Je suis toute avec vous. Si je tiens à la main
Une tige nouvelle à la corolle nue.
Vers vous qui saviez tout des choses inconnues
Je murmure tout bas : « Dis-moi quel est son nom ? »
Ô mon Père si beau, si charmant et si bon,
Dont le cœur était fait d’une clarté si pure,
vous, lié si fort à toute la nature.
Vous êtes là, vivant, tel que vous étiez né,
Car je vous rends le jour que vous m’avez donné.


ALLÉGORIE


On m’a dit qu’Apollôn, tout pareil à l’aurore.
De ses jeux enflammés effrayant les forêts.
Riait, lorsqu’il jonchait les fleurs multicolores,
D’oiseaux resplendissans transpercés par ses traits ;

Mais, qu’ayant vu Daphné qui jouait sur la mousse,
Il jeta loin de lui son arc et son carquois
Et courant vers la femme inaccessible et douce,
La poursuivit longtemps dans la torpeur des bois.

On m’a dit que Daphné, haletante et hautaine,
Plutôt que de céder au chasseur furieux.
Se laissa transformer au bord de la fontaine
En cet arbre chéri des héros et des dieux.