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Il ressort de tout ceci qu’on peut parfaitement attaquer l’embouchure de l’Elbe sans avoir réduit Helgoland. Il serait d’ailleurs aisé de montrer, par l’étude des forces dont disposent les Alliés, que les deux opérations peuvent être conduites simultanément. En tout cas, si l’attaque de Cüxhaven passe la première, une force aéro-navale spéciale « masquera » l’îlot et interceptera les navires légers, aussi bien que les sous-marins qui prétendraient sortir de cette base pour se jeter sur les derrières de la flotte de siège. Je ne m’attarde pas à dire quelle devrait être la composition de cette double flottille et de quels engins particuliers elle devrait faire usage[1].

Parlons maintenant des craintes que causent à certains marins les « champs de mines » qui, d’après eux, s’étendent d’Helgoland à la côte cimbrique, d’un côté, à la côte hanovrienne, de l’autre, interdisant ainsi l’accès du fond de l’entonnoir de la Deutsche bucht, l’embouchure de l’Elbe.

Je ne sais rien de plus maladroit, d’une manière générale, que les appréhensions excessives que laisse voir certaine École, dès qu’il est question d’amener une force, navale quelconque dans des parages où il pourrait exister des lignes de mines. Ces appréhensions, proches parentes de celles que causent les sous-marins, mais moins justifiées, ne font que confirmer le public dans l’idée bien établie déjà de l’inutilité pratique des coûteux mastodontes ; et il est aisé de prévoir les conséquences que tireront, dans l’après-guerre, de ces fâcheuses constatations, les hommes, les partis, pour dire plus exactement, qui déjà, avant ce conflit, contestaient la valeur des très grandes unités en même temps qu’ils en faisaient ressortir le prix de revient exagéré.

Il est vrai qu’à ce moment-là l’École en question ne manquera pas de rappeler que les dreadnoughts allemands se sont joués, — non sans y mettre, d’ailleurs, le temps et la méthode, comme il convient, — des mines du détroit d’Irben, cependant fort bien disposées, nombreuses, et bien défendues, ainsi que de celles des « sunds » de l’archipel livonien.

Pour l’instant, ce n’est pas ce point de vue qui prévaut et comme il s’agit d’excuser les grands cuirassés des Alliés d’une inertie que d’aucuns leur reprochent, des deux côtés de la Manche, on allègue victorieusement que ce n’est qu’à

  1. Voyez, pour ces questions, mon étude sur « L’attaque des côtes » (15 septembre 1917).