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allemande et les lignes de mines sont certainement défendues par l’artillerie de côte, en position vers Marienleucht de Fehmarn. Heureusement deux circonstances favorisent l’assaillant, D’abord, le détroit a 18 kilomètres de large et la rive Nord, celle de l’île danoise de Lolland, est assez saine pour qu’on la puisse longer de près. A supposer que les bouches à feu de la défense puissent porter à 18 000 mètres, encore faut-il que l’atmosphère soit assez claire pour que les pointeurs puissent discerner ces petits traits noirs glissant sur l’horizon et qui, difficulté nouvelle, se confondront, là, avec la terre danoise. Ensuite, s’il faut absolument engager la lutte contre les batteries de Fehmarn, j’observe qu’on le fera dans les meilleures conditions — convergence des feux des vaisseaux sur des ouvrages bas, — si, justement, on a fait passer par le Sund, entre autres élémens de l’armée, les monitors, batteries flottantes, etc., dont le tirant d’eau est certainement inférieur à 6 mètres et qui sont munis de l’artillerie nécessaire à l’attaque des ouvrages à terre.

Toutefois, — prévoyons une ultime objection, — pour atteindre Fehmarn, ces bâtimens auront dû franchir une sorte de défilé formé d’un côté par la côte de la petite presqu’île allemande de Darss, de l’autre, par une ligne d’écueils qui prolonge la pointe de Gjedser, extrémité méridionale de l’Ile danoise de Falster. Ce passage, miné et défendu peut-être du côté allemand, a quelque vingt kilomètres de large. Mais, de plus, — et il convient de n’en pas dire davantage, — ce défilé peut être tourné, tout comme celui des Thermopyles. Qu’on soit donc assuré que ce dernier obstacle n’arrêtera pas l’armée navale, plus que celui du Fehmarn Belt.

Telles sont les explications que je puis donner sur cette grave question de la soi-disant invulnérabilité des côtes allemandes, sans dépasser la limite de ce qu’il est permis de dire, sans dépasser non plus celle qui s’impose à un article de Revue. Mes lecteurs me feront certainement crédit du reste, qui pourrait aller aisément jusqu’au volume. Il suffit que je leur aie montré sur quelles erreurs, sur quelles équivoques au moins, repose la doctrine de l’abstention systématique de toute opération offensive sur le littoral allemand.


Contre-amiral DEGOUY.