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gouvernante a été momentanément mise en congé. Mais le père poussait ses enfans à demander le retour de « mon amie. » Ils écrivent à leur mère, ils la supplient ; Adélaïde tombe malade d’émotion et de regrets. « Mon amie » revient bientôt de Lyon et Mme la Duchesse d’Orléans part pour le château d’Eu.

Mme de Genlis était fort attachée à sa tâche d’éducatrice ; elle tenait à la pousser jusqu’au bout. Elle raconte dans ses Mémoires que sa situation de fortune changea du tout au tout pendant qu’elle était à Bellechasse. Elle y était entrée, comme on l’a vu, sous les auspices, de Mme de Montesson, tante de M. de Genlis. Inopinément, une autre tante, la maréchale d’Estrées, laissa à celui-ci cent mille livres de rente. Il voulut emmener sa femme : elle refusa, et le mari céda, mais à la condition d’être nommé capitaine des gardes du duc d’Orléans.

Egalité avait donc un capitaine des gardes. Le petit Duc de Chartres, colonel de dragons à seize ans, écrit aux autres enfans, demeurés à Bellechasse, et signe « colonel du premier régiment de France, et prince français pour mon malheur ! » Non, comme l’a écrit plus tard Louis-Philippe, tout cela n’était pas très facile à concilier.

Les lettres du fonds Beugnot, lettres fort enfantines que les jeunes princes s’adressent entre eux, font connaître le langage qu’on leur a appris. Le Duc de Chartres écrit à sa sœur : « À la citoyenne Adèle-Egalité. » Une autre lettre est du « républicain Philippe au républicain Leodgar. » Le petit Beaujolais, encore dans la princière nursery de Bellechasse, écrit à son grand frère : « Ça ira, ça ira ; les enrôlemens sont nombreux, tout le monde veut partir. Mais sais-tu ce qui s’est passé dans les prisons ? On dit qu’il y a cinq ou six mille personnes de tuées. » Le Duc d’Orléans ne se trouble pas davantage. « Je suis enchanté de ta conduite, écrit-il à Louis-Philippe, colonel des dragons de Vendôme et âgé de dix-sept ans ; j’en reçois des complimens de tout le monde… Tu recevras incessamment les cent louis que tu m’as demandés. Tout se passe fort bien ici et est parfaitement tranquille. Je t’embrasse de tout mon cœur. »

Tout se passe fort bien ; tout est tranquille ! La lettre est du 27 juin 1791. Et le retour de Varenne avait eu lieu le 22 !

Leur mère essayait encore de les retenir, au moins sur le terrain de la religion ; elle s’efforçait, en s’aidant des