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L’Opéra brûla, fut reconstruit à la Porte-Saint-Martin, et comme le Fort Samson était réputé pour débiter du vin excellent et non frelaté, tous les gens des bonnes maisons vinrent y boire, en attendant la sortie de leurs maîtres.

La femme de Boirouge était une bonne ménagère, économe et proprette ; elle eut trois enfans, trois garçons, l’aîné Joseph, le second Jacques, le troisième Marie. Elle les éleva tous très bien et mourut après les avoir tous établis et mariés à Sancerre, voici comment :

Joseph apprit à Paris le commerce de la draperie, et succéda naturellement à son grand-père maternel, Bongrand ; il épousa une Bianchon, et fut la tige des Boirouge-Bianchon.

Le second, mis chez un apothicaire à Paris, vint à Sancerre épouser la fille d’un Chandier, apothicaire à la Halle, dont il prit l’établissement, et fut la souche des Boirouge-Chandier.

Le troisième, le plus aimé de Boirouge et de sa femme, fut placé chez un procureur au Chlet[1], et se trouvait juge à Sancerre, où il avait épousé une Popinot. Il y eut donc une troisième ligne, [celle] de [s] Boirouge-Popinot.

En 1800, le père Boirouge avait rendu ses comptes à ses trois enfans, qui avaient également tous hérité de leurs ayeux maternels, et le bonhomme était revenu habiter sa maison de Sancerre, après avoir vendu le fonds du Fort Samson au fils de sa sœur, Célestin Mirouet, qui se trouvait sans un sou.

Ce Célestin Mirouét était, depuis dix ans, le premier garçon de son oncle, et, depuis dix ans, il menait une vie très dissipée, en compagnie d’une mauvaise fille de Sancerre, qu’il avait rencontrée à Paris. Il mourut en 1810, en faisant [une] faillite où le père Boirouge perdit environ dix mille francs, — le prix de deux récoltes envoyées au Fort Samson, — et son neveu lui recommandait une petite fille de dix ans, laquelle se trouvait [réduite] à la mendicité.

Madame Mirouet, mère d’Ursule Mirouet, avait quitté son mari pour devenir la maîtresse d’un colonel. Elle fut figurante au théâtre Montansier, et périt misérablement à l’hôpital.

Ainsi, la branche collatérale féminine du père Boirouge se trouvait représentée par une pauvre enfant de six ans[2], sans

  1. Pour : Procureur au Châtelet.
  2. Balzac avait d’abord écrit ci-dessus : six ans, puis avait corrigé pour mettre dix ans ; ici, il a laissé : six ans.