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D’autres expériences non moins ingénieuses et d’un intérêt encore plus général ont été réalisées par Le Moignic ou ses collaborateurs. Un cobaye meurt si on lui injecte 0 mmgr, 35 de sulfate de strychnine en solution aqueuse. Il supporte, en revanche, une dose 6 fois plus considérable de strychnine si on dissout cette base dans des huiles.

Le rôle de l’excipient huileux est donc manifestement d’atténuer, en la prolongeant, l’action pharmacodynamique, — pardon, ô Voltaire ! — ou toxique d’un produit, parle mécanisme du ralentissement de sa libération et, partant, de son absorption. L’huile ne livre son contenu que peu à peu aux tissus, tandis que l’eau jette le sien d’un coup dans le courant circulatoire. Or ici, comme en beaucoup d’autres domaines fort divers, chi va piano va sano.

D’autres expériences ont précisé mieux encore certaines causes de la faible toxicité du lipo-vaccin : on a constaté au microscope que, dans l’huile, les bacilles, au lieu de rester librement suspendus comme dans l’eau, s’agglomèrent en petits amas, en petits grumeaux sphériques. L’absorption des bacilles conglomérés dans ces petits amas injectés dans le derme doit être évidemment beaucoup plus lente que s’ils étaient libres, puisqu’il est d’abord nécessaire que les humeurs désagrègent leur agglomération.

Si j’ose employer cette comparaison qui n’est qu’une analogie, les petits amas bacillaires du lipo-vaccin sont absorbés plus lentement que les bacilles isolés des autres vaccins, pour une cause semblable à celle qui fait qu’un gramme de poudre de guerre en fines parcelles (pareille à celle des fusils) brûle bien plus vite qu’une seule lamelle de poudre pesant un gramme (semblable à celle des grosses pièces de marine).

Il ne suffisait pas de montrer que le lipo-vaccin est moins toxique que les vaccins aqueux antérieurs. Il était indispensable d’établir en même temps qu’à dose égale, son pouvoir immunisant n’est pas inférieur au leur.

Cette démonstration a été apportée d’une manière irréfutable à la fois par l’expérimentation faite sur les animaux et par les résultats, contrôlés au laboratoire, des vaccinations déjà nombreuses faites sur l’homme.

Le lipo-vaccin Le Moignic contient par dose d’un centimètre cube 2 milliards 600 millions de bacilles d’Éberlh et 2 milliards 275 millions de chacun des paratyphiques A et B, au total environ 7 milliards de bacilles ; ces microbes ont d’ailleurs été tués par les procédés les