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pour le jeune prince, s’occupe des débris de la succession. Rien à espérer en France, « où des lois iniques enlèvent tout à des enfans, sans rien laisser même pour leur subsistance. » Mais il est de notoriété publique que Philippe-Egalité avait fait passer de grands biens en Angleterre, notamment des diamans du plus grand prix, confiés à un nommé Boyd… Mais Égalité avait des créanciers ; Boyd, lui-même, prétend, sur son dépôt, avoir fait des avances. Que pourra-t-on tirer de tout cela ?

Un autre fugitif est venu, à la fin de 1793, se joindre à la petite colonie de Bremgarten : c’est Desmeuniers, ancien Constituant, condamné et traqué par la Convention. Il arrive dénué de tout ; il écrit à Montesquiou : « Je suis plus malheureux que vous ; les misérables m’ont tout pris. » Il donne aussi, pendant quelques mois, un vague enseignement à Reichenau. Puis on l’envoie s’occuper de la succession à Londres, où il trouve un emploi. Il a pu rencontrer Mme de Genlis et obtenu d’elle, en deux circonstances, des renseignemens d’ailleurs contradictoires. « Il ne faut pas tenir compte de Mme je Sillery, écrit Montesquiou ; c’est une vraie caillette. »

Ce qu’elle sait fort bien faire, c’est présenter un long Mémoire (figurant aussi dans le fonds Hottinguer) pour le jour où le jeune Duc d’Orléans retrouverait une partie de sa fortune. Elle n’a, dit-elle, voulu accepter aucun traitement comme gouvernante. Mais on lui a promis, on lui doit diverses sommes, formant un total respectable de centaines de louis, une rente viagère, etc. Et, dès que faire se pourra, elle demande que cet argent soit remis à Paméla, lady Edward Fitzgerald. Il semble bien, d’après cela, que la jolie petite Anglaise expédiée à Louis-Philippe-Joseph par son marchand de chevaux Saint-Denys fût vraiment la fille de la gouvernante.

Citons encore quelques phrases de Montesquiou prises au hasard, dans une longue lettre à Louis-Philippe. Elles peignent le temps où ils vivaient. « Vous avez vu l’infâme exécution de la Reine… Les exécutions continuent. Les victoires aussi. Quelle rage de tuer Biron, et Luckner ! Nous avons été des sages, vous à Reichenau, et moi ici, cher camarade, cher et excellent ami… Votre diamant a été vendu dix-sept louis… »

A Reichenau, Louis-Philippe avait appris l’emprisonnement de ses frères et de son père, enfermé à Marseille avec eux. Quand vint la condamnation de quarante-cinq Girondins,