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POÉSIES


ODE A LA FRANCE[1]


De Mulhouse à Strasbourg égrenant leurs versets,
Les angélus ailés ont quitté les horloges
Des fins clochers d’Alsace, et survolant les Vosges,
Apportent leur bonsoir aux fins clochers français.

Or, du poteau-frontière, où trois routes se glissent
Vers la France, la Suisse et l’Allemagne, un cri
Part : « Halte-là ! Qui vive ? » — On répond : « Un proscrit ! »
— « Avance ! » — Et l’homme vient par la route de Suisse.

Et, comme sentinelle, il voit que là, veillait,
Sous le poteau casqué de l’Aigle germanique,
Une Fille, portant piqués sur sa tunique
Un bleuet, un lilas — blanc — et — rouge — un œillet…

Le routier dit : « Je viens d’Orient. Ma besace
Est lourde. Je suis las de rouler, d’avoir faim.
Ne trouverai-je pas une patrie enfin
Là-bas ? » et de son doigt il indiquait l’Alsace.

  1. Ce poème a été couronné par l’Académie française pour le concours de 1917.