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REVUE LITTÉRAIRE

UN GRAND POÈTE LOUIS XIII : SAINT-AMANT[1]



On l’appelle « le bon gros Saint-Amant. » C’est le nom que lui donne encore son plus fervent admirateur, M. Pierre Varenne, qui réclamait, pour le poète du Contemplateur et de Moïse, le bronze ou le marbre en sa patrie de Rouen, et qui vient de lui consacrer une assez charmante notice. Etait-il bon ? je n’en sais rien. Gros, ce n’est pas douteux : car il a plaisanté lui-même, et plus d’une fois, de sa « bedaine » et du reste aussi de sa grasse personne. Il s’intitule volontiers « le bon, gros Saint-Amant. » Seulement, ces mots, qui sont agréables à l’oreille et, en quelque manière, à l’esprit, deviennent tout le portrait de ce poète, un portrait qui n’est pas juste. On se figure un joyeux garçon, toujours à boire, à folâtrer, qui trouve sa verve dans les pots et, du cabaret, du mauvais lieu, vous rapporte des truandailles : un farceur à la trogne illuminée, qui chante sans presque y songer et, par hasard, qui chante bien : le bon gros, le voilà. Saint-Amant, c’est tout un autre homme.

Il s’appelait Marc-Antoine Gérard ; et, Saint-Amant, ce dut être un surnom, comme jadis on en donnait à chacun des porteurs d’un même nom : mais volontiers il fut ensuite Marc-Antoine de Gérard, écuyer, sieur de Saint-Amant. Sa noblesse n’était que « bien peu de chose, » dit Tallemant, bourgeois opulent qui avait lui-même choisi

  1. Le bon gros Saint-Amant, par M. Pierre Varenne (à Rouen, chez Lecerf, imprimeur.) — Cf. Œuvres complètes de Saint-Amant, publiées par Ch.-L. Livet (Paris, Jannet, 1855 ; ) et Saint-Amant, par Rémy de Gourmont (collection des Plus belles pages, Société du Mercure de France, Paris, 1907.)