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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/237

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retirer à Médine, la cité sainte de Mahomet, — qu’ils sont également en passe de perdre. — Une « nation hostile à l’Europe,  » n’est-ce pas sans conteste l’Allemagne ? demande le Giornale d’Italia, qui a découvert cette prophétie. Alliance antichrétienne de l’Allemand et du Turc, nouée en 1896, lorsque Guillaume II se congratulait avec le Sultan des victoires remportées en Thessalie par les troupes ottomanes sur le diadoque Constantin, qui n’était encore ni le Bulgarochtone ni le cher Tino ; maintenue à travers toutes les phases de la question macédonienne où toujours la diplomatie allemande se mit du côté et au service de la Porte, négociant sous Guillaume II comme sous Frédéric de Hohenstaufen, et se faisant payer par la concession de la Bagdadbahn, comme l’autre par la concession de Jérusalem ; confirmée et scellée par la visite qu’osa rendre à Abd-ul Hamid, dans les rues de Constantinople, ruisselante de sang arménien, l’Empereur allemand, seul de tous les princes chrétiens, jusqu’à ce que Ferdinand de Cobourg, s’étant proclamé indépendant en 1898, s’aventurât à marcher sur les traces de son futur maître. Guillaume II, il est bon de le rappeler, pour aller à Jérusalem, est passé par Constantinople. Il a tenu à s’y présenter tout ensemble comme protecteur des Chrétiens et comme protecteur des Musulmans, comme Guillaume empereur allemand, roi de Prusse, et à ce titre, « évêque extérieur » en son royaume, et comme un pèlerin à des Lieux Saints qui n’appartenaient pas tous à la chrétienté, El Hadj Guilloun. Il a fait restaurer l’église de Sainte-Marie-la-Grande, en commettant du reste la faute de goût de permettre et peut-être de demander qu’on encastrât dans le tympan, de chaque côté de l’archivolte, un écusson aux armes impériales ; il a inauguré l’église neuve des catholiques allemands, avec les paroles convenables ; et puis il s’est rendu, en costume arabe, sur la tombe de Saladin, qui avait enlevé Jérusalem aux rois chrétiens, pour y déposer un rameau de laurier ; de même qu’après avoir, au Saint Sépulcre, promis aux catholiques sa toute-puissante et condescendante amitié, il la promettait, à Damas, aux trois cents millions de musulmans. C’est que ce croisé à la Frédéric II venait en réalité pour l’Empire et pour un chemin de fer ; que son cœur était double, et qu’il avait « deux clefs,  » toujours comme celui de Frédéric.

Le cas de l’héritier dépossédé du Saint-Empire romain, qui on reste quand même en droit le véritable héritier, de Sa Majesté apostolique, du chef de la catholique maison de Lorraine-Habsbourg, roi de Jérusalem d’après ses parchemins, de Charles Ier d’Autriche, est plus curieux, plus douloureux, plus scandaleux encore. Aujourd’hui