Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

serait rien pour une intelligence de sa vivacité, mais il est de santé délicate. Il apparaît avec des manteaux, des cache-nez, des foulards ou des imperméables, il disparaît à l’infirmerie. Cet enfant qui ne craint ni les coups, ni les bosses, ni les chutes, doit se garantir contre les courans d’air et suivre des régimes. Personne ne l’a jamais entendu se plaindre ; nul ne l’entendra jamais. Souvent il doit interrompre son travail, parfois durant de longs mois. L’année de son baccalauréat, un retour de son entérite infantile l’arrête. — Trois mois de repos, ordonne le médecin à Noël. — Tu referas ta rhétorique l’an prochain, déclare son père qui vient le chercher. — Pas du tout : les camarades ne me passeront pas devant. — Boutade d’enfant à quoi l’on ne prend pas garde. Au bout de trois mois passés en repos et promenades à Compiègne, l’enfant réclame : — Les trois mois sont expirés, j’entends me présenter en juillet. — Tu n’as pas le temps. C’est impossible. — Il insiste. On découvre à Compiègne l’institution Pierre d’Ailly dans un immeuble qui a été, depuis, démoli par un obus. Puisque c’est son idée, il fréquentera ce cours, en externe, en amateur. Chez lui, à la maison, il continuera de se soigner. Et au mois de juillet, à quinze ans, il est reçu bachelier, avec mention.

Mais l’arc ne peut rester tendu. De là, ces divertissemens orageux, toujours sans méchanceté, car il lui répugnait invinciblement de causer de la peine à autrui. L’automne suivant, il rentre à Stanislas et y reprend la suite de ses exploits scolaires.

« Vexé de la place qui lui est réservée près du bureau du professeur, écrit encore l’abbé Chesnais, sous le prétexte, justifié d’ailleurs, de bavardage, il est résolu à causer malgré tout, comme bon lui semble. À l’aide d’épingles, de becs de plume, de fils et de boites, il a bientôt construit une installation téléphonique qui le met en communication avec le camarade qui occupe le bureau le plus éloigné. Il possède les outils nécessaires à l’exécution de ses tours. Son bureau est un véritable bazar : cahiers, livres, porte-plumes, papier se trouvent confondus pêle-mêle au milieu des objets les plus disparates : morceaux de lames de fleuret, produits chimiques, drogues pharmaceutiques, huile, graisse, goupilles, roues de patin gisent au milieu de tablettes de chocolat. Dans un coin, des tubes de verre soigneusement cachés attendent le moment favorable de