Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la compagne de son choix. Enfin, sa foi l’emporte, il ne discute plus avec Dieu, il lui dit : « Prenez de moi ce qui vous conviendra, prenez tout, prenez-moi. Que votre volonté soit faite !… »

Rarement le drame de l’acceptation s’est dénoué plus librement. Or, dans le drame qui va emporter Guynemer jusqu’au sacrifice, ce n’est pas la vocation de l’aviateur qu’il faut voir, mais la volonté absolue de servir. L’abbé Chesnais l’a bien compris, qui n’attache pas à cette vocation une importance primordiale. Il rappelle à la fin de ses notes que Guynemer était un croyant qui accomplissait régulièrement ses exercices religieux sans ostentation, comme sans faiblesse : « Que de fois ne m’a-t-il pas arrêté le soir, écrit-il, lorsque je passais près de son lit ! Il voulait avoir une conscience tranquille, sans reproche. Sa légèreté habituelle le quittait à la porte de la chapelle. Il croyait à la présence de Dieu dans ce lieu saint et la respectait… Ses sentimens chrétiens seront une force, un soutien dans ses luttes aériennes. Il combattra avec d’autant plus d’ardeur qu’il jouira d’une conscience en paix avec son Dieu… »

Et l’abbé Chesnais ajoute ces mots qui expliquent la véritable vocation de Guynemer : « Les hasards de la guerre ont merveilleusement mis en relief les qualités contenues dans un corps si frôle. Pensait-il à devenir pilote au début ? Peut-être. Ce qu’il veut avant tout, c’est remplir son devoir de Français. : Il veut être soldat. Il a honte de lui, dit-il dans les premiers jours de septembre 1914 : « Dussé-je me coucher au fond d’un « camion automobile, je veux aller au front. J’irai. »

Il ira. Ni le goût de la gloire, ni celui de l’aviation ne seront pour rien dans son départ. Ils ne seront pour rien dans sa fin.


III. — LE DÉPART

Au mois de juillet 1914, Georges Guynemer est avec sa famille à Biarritz, villa Delphine, au bord de la plage d’Anglet. Cette plage est toute blonde au soleil, mais la brise de l’Océan la rafraîchit. On y paresse délicieusement. Cette plage est en outre un excellent terrain d’atterrissage. Son sable accueille mollement les appareils. Georges Guynemer ne quitte guère la