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par l’occupation de l’Alsace-Lorraine, toutes les facilités de la préparer et de l’accomplir ? Maîtresse absolue des débouchés du Rhin, solidement campée en Alsace-Lorraine, nous tenant sous la menace constante d’une attaque qui ne trouvait devant elle, sur la frontière même, d’autre obstacle que nos troupes de couverture, pouvant masquer ses projets dans les pays rhénans devant la frontière belge[1], disposant par conséquent d’un pivot de manœuvre incomparable et inébranlable avec Metz et Strasbourg, l’Allemagne pouvait envisager l’invasion rapide d’une Belgique mal organisée et mal défendue militairement, déjà travaillée par les fourriers du pangermanisme, de nos provinces du Nord dépourvues de leurs forteresses déclassées, et régler le destin de la France avant que l’Angleterre ait pu intervenir. Qu’au contraire nous ayons gardé notre Alsace-Lorraine et notre frontière même de 1870, qui ne voit que tout le plan allemand, réduit aux conceptions de 1870, était à la merci de l’attaque française débouchant dans les pays rhénans.


IV. — LA FRONTIÈRE MILITAIRE ET ÉCONOMIQUE NÉCESSAIRE

Mais ceci n’est que le point de vue militaire. La place d’armes offensive constituée par l’Allemagne en Alsace-Lorraine comportait d’autres avantages dont nous aurions pu mesurer l’importance avant la guerre, et qui se sont dévoilés avec la forme nouvelle qu’a prise la lutte. Ce n’est point sans raison et sans prévoyance de l’avenir que l’état-major allemand avait exigé en 1871 une délimitation enfermant au-delà de la Moselle toute la région minière de Thionville. Il ignorait à cette époque que les gisemens de fer lorrain déjà reconnus sur la rive gauche de la Moselle se prolongeaient à l’Ouest dans la région de Briey ; il n’eût pas abandonné à la France ces districts si voisins. On avait d’ailleurs alors des doutes sur le rendement métallurgique de la minette phosphoreuse lorraine. Ce n’est qu’après que le procédé Thomas eut permis de traiter ces minerais que la région Briey-Thionville prit de l’importance.

Expulsée de Lorraine après le traité de Francfort, notre métallurgie de l’Est avait reflué dans le Centre. La découverte

  1. Victor Cambon avait signalé dans son livre : Les Derniers progrès de l’Allemagne, en 1914, l’aménagement des voies ferrées allemandes entre le Rhin et la Belgique.