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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/44

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la préoccupation, hautement avouée, de mettre un frein aux progrès de la démocratie. Une guerre victorieuse aurait écrasé la pieuvre socialiste qui menaçait, d’après eux, d’enlacer l’Europe entière. Elle aurait assis pour longtemps sur le cadavre de la République française un régime autocratique et réactionnaire personnifié par Guillaume II.

Nous arrivons ainsi aux causes économiques que des publicistes de grand talent et des hommes d’affaires avertis des besoins de l’industrie allemande signalent comme les causes fondamentales du cataclysme mondial : industrialisation exagérée de l’Allemagne, surproduction de la fonte et de l’acier, ces grands outils d’une maîtrise économique, nécessité de s’ouvrir à tout prix des débouchés nouveaux, résistance qui s’organisait chez les nations étrangères contre la conquête pacifique entreprise par des industriels et des financiers de connivence avec l’Empereur et les hommes d’État qui le servaient. Or la conquête tournait au désastre et la domination à la faillite. La misère, s’abattant sur l’Empire, était au bout de l’avortement de ses calculs gigantesques. Mieux valait, pour la conjurer, déchaîner la guerre, tandis qu’on avait le plus de chances d’être victorieux.

Qu’il y ait une part de vérité dans cette hypothèse, nul ne le contestera. Remarquez seulement que la guerre avait été préparée de longue main par le gouvernement impérial, l’armée renforcée régulièrement depuis nombre d’années, le matériel augmenté et porté au dernier degré de la perfection technique, des intelligences pratiquées chez les neutres et chez les futurs adversaires de l’Allemagne, et jusqu’à des bases navales échelonnées dans des mers lointaines pour le ravitaillement des croiseurs et des sous-marins. Tant de préparatifs et de précautions trahissent un plan concerté de vieille date. Réfléchissez, d’autre part, que l’impasse où ils s’étaient engagés n’est apparue clairement aux chefs d’industrie allemands les plus entreprenans que dans les dernières années qui ont précédé la catastrophe.

Que conclure de ces remarques ? Que la guerre a été le produit d’un ensemble de causes et non de quelques-unes seulement. Ce serait amoindrir volontairement la grandeur du conflit, où se débat la liberté de l’Europe, où la vie même de plusieurs nations est en jeu, que de le réduire aux proportions