Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/567

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et il s’enfuit, laissant à son père le soin de retrouver l’avion perdu comme on retrouve un perdreau dans un champ de luzerne. L’autorité militaire s’y prêta de bonne grâce, et le corps du pilote allemand fut découvert en effet au bord du Bois Carré où il fut enseveli.

Cet avion fut homologué, mais quelques jours plus tard, en sorte que, faute de la preuve matérielle qu’on poursuivait, le contrôle commença par le refuser à Georges Guynemer. Ah ! la règle lui refuse ce gibier-là ? Guynemer, rugissant, déclare : « Je ne lâcherai pas, je veux en avoir un autre. » Il veut toujours en avoir un autre. Et il l’a. Il l’a sans retard, quatre jours après, le 8 décembre. Voici le procès-verbal du carnet de vol : « Repérage ligne stratégique Roye-Nesle. En descendant, aperçu avion allemand haut et loin dans ses lignes. Au moment où il passe les lignes à Beuvraigne, je lui coupe la retraite et le prends en chasse. Je le rejoins en cinq minutes et tire quarante-sept coups de Lewis à 20 mètres derrière et dessous. L’avion ennemi, un L. V. G. 165 HP probablement, pique, prend feu, se retourne et va tomber en plané sur le dos à Beuvraigne, déporté par vent d’Ouest. Le passager tombe à Bus, le pilote à Tilloloy… »

Quand le vainqueur atterrit à Beuvraigne, près de sa victime, les artilleurs d’une batterie de 95 (47e batterie du 31e régiment d’artillerie) installée dans le voisinage, déjà pressés autour de la carcasse ennemie, se précipitent sur lui et l’entourent. Mais le commandant de la batterie, le capitaine Allain Launay, commande rassemblement, fait rendre les honneurs au petit sergent, harangue ses hommes et ordonne : — Maintenant, nous allons exécuter un tir en l’honneur du sergent Guynemer. — Le tir démolit une maisonnette où des Boches s’étaient réfugiés. Dès le premier obus, à la jumelle on en voit fuir un peu partout :

— C’est encore à moi qu’ils doivent ça ! s’écrie le gamin enthousiasmé.

Cependant le capitaine Allain Launay, pendant l’opération, a patiemment décousu les galons de son képi et quand il a terminé cette opération, il les tend à Guynemer :

— Promettez-moi de les porter quand vous serez nommé capitaine.

Cet avion-là ne sera pas contesté, et même il est question de