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pêcherie des âmes. Nos Picpusiens, à côté d’eux, évangélisent l’Océanie orientale, où ils prirent racine, dès 1828, par leur débarquement aux îles Sandwich. Nos missionnaires d’Issoudun travaillent depuis 1881 dans l’Océanie septentrionale. Si l’on devait écrire- l’histoire de ces trois groupes de missions océaniennes, qui comptaient en 1910 près de 160 000 fidèles, il y faudrait mettre en exergue ces lignes de Shakespeare : « La France, dont l’armure est conscience, descend avec ce bouclier sur les champs de bataille où l’appellent le zèle et la charité, comme le propre soldat de Dieu… »

La même armure a fait descente sur les champs de-bataille africains. Non plus que Jean-Claude Colin, fondateur des Maristes, n’avait eu en vue les îles Wallis, ou bien les îles Foutouna, lorsqu’il groupait bien simplement, pour ce que Rome voudrait d’eux, quelques prêtres qui aimaient la Vierge, non plus Claude Poulard des Places, pieux étudiant breton du XVIIIe siècle, ne pensa-t-il un seul instant que le jour de l’année 1703 où il s’entourait de quelques pauvres étudians pour les consacrer aux bonnes œuvres marquait, pour l’Afrique, une lointaine aurore de civilisation.

De l’initiative de Poulard des Places résulta, entre autres œuvres, notre congrégation du Saint-Esprit, qui pourvut, durant le XVIIIe siècle, aux besoins religieux de nos missions coloniales. Elle était au XIXe siècle devenue bien débile ; elle avait si peu de prêtres, qu’il fallut qu’au Sénégal et à Gorée des femmes françaises vinssent à la rescousse, pour l’évangélisation : ce furent, à partir de 1819, nos Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, dont la fondatrice, Mère Javouhey, fut dans ces régions et plus tard dans la lointaine Guyane une façon de mère pour les populations noires. A leur tour, en 1841, les Frères de Ploërmel, fils spirituels de Jean-Marie de Lamennais, vinrent aider. Mais la disette de prêtres, sur cette côte occidentale d’Afrique, demeurait toujours incurable.

Le remède allait surgir, soudainement. De 1827 à 1837, les Sulpiciens d’Issy avaient abrité dans leur séminaire, sans trop savoir que faire de lui, un jeune Français d’Alsace, venu du judaïsme à l’Église, Libermann. Des accès d’épilepsie semblaient lui interdire la prêtrise : Issy pourtant le conservait. Deux clercs de la Réunion et de Saint-Domingue orientèrent enfin cette vie ardente, qui chômait : Libermann, en 1842,