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nous nous retournions vers eux, et que nous leur demandions de se sentir nos frères, non pas seulement au nom de la doctrine, mais en raison de ce qu’ils voient chez eux et de ce qu’ils trouvent en eux. L’enfance, autour d’eux, est élevée par des Frères des Écoles chrétiennes, par des Sœurs de Saint-Vincent de Paul, par des Dames du Sacré-Cœur ; des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, encore, guettent, chez eux, l’indigence et la maladie ; la vieillesse trouve un toit chez les Petites-Sœurs des Pauvres, pauvresses elles-mêmes. Ils n’ignorent pas, je pense, que toutes ces grandes sociétés de dévouemens sont natives de France. Ils savent que leurs conférences de Saint-Vincent-de-Paul, qui organisèrent à travers le monde la visite de la pauvreté, furent conçues et réalisées, en 1833, par un professeur de cette Université de France dont sans doute ils ont entendu médire. Leurs filles sont Enfans de Marie ; on ne leur a jamais rappelé, peut-être, que c’est notre ville de Lyon qui vit doucement surgir, en 1832, la première de ces associations. J’ai tort de dire que Lyon la vit surgir ; ce fut si discret, que Lyon ne s’en aperçut pas ; Lyon s’occupait encore de ses émeutes de la veille. Le Saint-Siège, prenant cette idée lyonnaise, en fit un fait universel. En ces années 1832 et 1833, il y eut certainement des catholiques, hors de nos frontières, pour ne connaître la France que par les récens pillages de Saint-Germain-l’Auxerrois et de l’archevêché de Paris : ils ne se doutaient pas que cette même France, en ces mêmes heures, créait d’immenses organisations religieuses où se réchaufferait leur propre postérité. On a toujours des surprises avec la France, — les surprises de la grâce.

Je voudrais entrer plus avant dans les âmes de ces catholiques neutres ; j’ai l’indiscrétion de ne les point quitter encore. Ils sont pieux : je voudrais leur dire ce que leur piété doit à la France : ce qu’elle doit, par exemple, à notre Grégoire de Tours, qui fut le premier en Occident à propager la tradition orientale de l’Assomption de la Vierge ; ce qu’elle doit à notre vieux moine de Corbie, Paschase Radbert, qui en affirmant le premier l’identité entre le corps eucharistique et le corps historique du Christ, fonda réellement la théologie du Saint-Sacrement ; ou ce qu’elle doit à notre vieil évêque saint Mamert, qui créa les Rogations ; à saint Odilon, notre grand Clunisien, qui fonda la Fête des Morts ; à notre Église française des XIIIe et XIVe siècles, qui introduisit dans la chrétienté les fêtes de la