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Jonquières, et dont les quatre compagnies avaient respectivement pour capitaines : la 1re , le lieutenant de vaisseau Riou ; la 2e, le lieutenant de vaisseau Huon de Kermadec ; la 3e, le lieutenant de vaisseau Le Page ; la 4e le lieutenant de vaisseau Martinie.

Par une singulière coïncidence, tous ces officiers étaient nouveaux à la brigade[1]. Dans les cadres subalternes, en revanche, dominaient les anciens de Melle et de Dixmude. Quelques grognemens avaient bien accueilli le signal du branle-bras, « chavirer les marmites étant toujours pénible, » remarque naïvement un Jean Gouin. Mais les figures s’éclairèrent quand les conducteurs des autobus eurent révélé le nom de la localité où ils transportaient nos troupes.

— Eh ! les gars ! Sur quel pays qu’on met le cap ?

Les conducteurs avaient répondu : « Oost-Dunkerque. » Les hommes n’avaient retenu que la finale et, croyant qu’on les envoyait au repos dans quelque faubourg de ce Dunkerque qu’ils n’avaient fait que traverser et qui, après les misères de Dixmude, leur apparaissait comme un lieu de délices, ils ne songeaient plus à se plaindre de la versatilité du destin.

Dunkerque est formé de deux mots flamands : dun (dune) et kerque (église), très répandus dans les deux Flandres. Mais nos Jean Gouin ne connaissaient que le Dunkerque français, qu’en breton ils appellent Dukart. Oost-Dunkerque, où on les menait, est en réalité une aimable bourgade de quelques centaines d’habitans, à 5 kilomètres de Nieuport, à 1 kilomètre de la mer, dont elle est séparée par le bourrelet des dunes qui l’abrite contre les rafales du nord. Toutes les petites villes de cette côte, La Panne, Coxyde, Nieuport, etc. s’épaulent pareillement à la dune comme à un rempart, et toutes, comme Oost-Dunkerque, sont reliées à leur plage, de création récente, par une grande route pavée ouverte dans les sables et qu’emprunte un tramway local. La bourgade et son annexe d’été ne se distinguent que par le mot : Bains, accolé au nom de cette dernière.

Aussitôt formé, le convoi avait pris la direction de Furnes. Et l’illusion des hommes s’était affermie : on refaisait à, rebours la route qu’on avait faite la veille. Il ne pleuvait plus. Le ciel

  1. Le commandant de Jonquières avait succédé au commandant Jeanniot, « le père des marins. » assassiné par les Allemands dans la nuit du 24 octobre ; les capitaines Riou et Martinie étaient aussi arrivés à la brigade vers la fin du siège ; les capitaines Le Page et Huon de Kermadec, vers le 16 novembre, après Dixmude.