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— Ma vie s’est décidée ce matin-là. Sans cette mise au point, j’étais dégonflé…


Quand il reparaît à son escadrille, le 18 mai, bien dispos mais avec une figure de papier mâché, personne n’ose discuter sa guérison, car ses yeux flamboient.

Les Cigognes sont revenues, pour peu de jours, dans la région de l’Oise. De nouveau, l’heureux pilote en possession d’un Nieuport survole la région de Péronne et de Roye. Il n’a rien perdu de son opiniâtreté, bien au contraire. Un jour (le 22 mai), il s’acharne à fouiller les airs si longtemps qu’il y reste trois heures et que, découvrant enfin un biplace ennemi sur Noyon et le poursuivant, il doit interrompre le combat, faute d’essence dans son moteur. Cependant la bataille de la Somme se prépare : les escadrilles vont reconnaître leurs emplacemens, de nouveaux appareils sont essayés. L’ennemi, qui se doute de nos préparatifs, envoie des reconnaissances à longue portée. Près d’Amiens, au-dessus de Villers-Bretonneux, Guynemer, en ronde avec le sergent Chainat, attaque une de ces reconnaissances (22 juin), isole un des avions et, manœuvrant avec son camarade, l’incendie. C’est, je crois, le neuvième. Le combat s’est déroulé à 4 200 mètres. De plus en plus, l’avantage est à celui qui monte le plus haut.

À partir du 1er juillet, c’est la bataille presque quotidienne. Guynemer va-t-il, comme à Verdun, être immobilisé dès le début ? Le 6, après avoir expulsé un L. V. G. il surprend au retour un autre avion boche qui pique sur un de nos avions de réglage. Aussitôt, il détourne sur lui l’ennemi. Mais l’ennemi, — il lui rend cet hommage dans son carnet de vol, — est mordant et maniable. Son tir bien ajusté traverse l’hélice du Nieuport et coupe deux câbles de la cellule droite. Guynemer doit atterrir. Il sera, dans sa carrière d’aviateur, « descendu » huit fois, dont une dans des conditions fantastiques. Il connaîtra toutes les formes du danger sans jamais perdre cette possession de soi-même que la passion de vaincre a développée chez lui avec le coup d’œil et la vitesse de décision.

Quelles luttes dans les airs ! Le 9 juillet, porte le carnet, combat à 5 contre 5. Le 10, à 3 contre 7 : Guynemer dégage Deullin qui est poursuivi à 100 mètres par un Avialik. Le 11, il attaque à dix heures un L. V. G. et lui coupe son câble de pro-