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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/867

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un ardent dévouement, égal à la franchise avec laquelle il leur parlait. Elle avait parfois déplu. Mais la confiance était restée ; on lui en donnait un témoignage éclatant en l’envoyant en Russie pour y représenter le gouvernement de Louis XVIII[1].

Il n’était pas un nouveau venu pour le tsar Alexandre Ier, ayant été, à une époque antérieure, chargé par le Roi, alors proscrit, d’une mission auprès de lui. Il ne pouvait donc douter de l’accueil bienveillant qui lui serait fait.

La réception fut telle qu’il l’avait espérée. En remettant ses lettres de créance, il eut la joie d’entendre dans la bouche du Tsar des paroles qui témoignaient de l’estime en laquelle le tenait ce prince et de la confiance qu’il était disposé à lui accorder.

« Je suis bien aise, monsieur le comte, de vous voir ici, lui dit l’Empereur, et d’avoir trouvé l’occasion de vous prouver que je n’ai point oublié les rapports que j’ai eus précédemment avec vous. Vous êtes précédé d’une réputation qui me convient, parce qu’elle me fait espérer que nous ne ferons point de politique ensemble, et que, dans vos relations avec moi ou avec mes ministres, vous mettrez cette franchise, cette loyauté sans laquelle, avec moi du moins, on ne fait aucune affaire ou l’on n’en fait que de mauvaises ; je vous donnerai moi-même l’exemple de cette franchise. »

Après ce préambule d’un caractère tout personnel, l’Empereur, dans un de ces élans affectueux qui lui étaient familiers et le rendaient parfois si séduisant, prit la main de l’ambassadeur et continua :

« J’aime le Roi, je lui suis sincèrement attaché ; je l’aime comme celui qui admire le plus ses qualités et ses grandes vertus, et je crois aussi avoir plus d’une fois prouvé que je porte de l’intérêt à la France ; mais je ne vous cache pas que, depuis longtemps, ce qui se passe chez vous m’a donné beaucoup d’inquiétude ; elle est encore une preuve de plus de mon attachement pour le Roi et de mon désir de voir son bonheur et celui de la France ne plus être compromis. Les conférences d’Aix-la-Chapelle ont créé entre les Puissances une union qui

  1. Le marquis Costa de Beauregard a publié, en 1900, un volume de Souvenirs, tirés des papiers du comte de la Ferronnays (Plon-Nourrit et Cie éditeurs). Mais ces Souvenirs s’arrêtent à l’année 1817, et il n’y est pas question de sa mission à Saint-Pétersbourg.