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Mieux vaut, dit-on aujourd’hui à Washington, créer 200 bateaux de 16 nœuds qui navigueront avec 80 pour 100 de sécurité, que 500 ou 1 000 qui ne feront que servir de cible aux pirates et seront fatalement coulés. L’on espère en 1918 construire 4 millions et demi de tonnes, c’est-à-dire plus de moitié du tonnage commandé ou sur chantiers à fin décembre 1917. Il sera plus facile ensuite d’achever le surplus ; car non seulement les soixante-dix-huit chantiers ont dû être improvisés, mais aussi de véritables villes doivent être bâties pour loger les centaines de mille d’ouvriers nécessaires. Le lecteur se fera quelque idée de la hâte avec laquelle est mené le travail, en apprenant que tel chantier de dimensions énormes, comme celui de la Steel Corporation, a été monté en trois mois et demi : le 4 août le premier coup de pelle était donné dans les prairies noyées de l’Hackensack, près New-York, le 21 novembre la première quille était posée et les machines à river étaient au travail.


V

Pour atteindre le but sans retard, aucune dépense ne semble trop lourde aux Américains ; aucune n’est par eux épargnée ; tout, sauf la qualité, doit être sacrifié à la vitesse. Ce qu’il leur en coûte pour jouer dans cette guerre le noble rôle final qu’ils ambitionnent, le public français le sait déjà. A la clôture de la session extraordinaire qui se termina en octobre, le président de la Chambre des Représentans s’exprimait ainsi : « Je ne sais si, à dater d’aujourd’hui jusqu’au jour du jugement dernier, il se trouvera jamais un autre Congrès pour voter autant de crédits que celui-ci et... sincèrement, j’espère que non. Chaque dollar demandé pour les besoins de la guerre a été loyalement et librement donné. » Le total atteint d’un coup 107 milliards de francs, y compris les prêts aux Alliés.

Pour se procurer des recettes pouvant faire face à cette dépense, les Etats-Unis ont eu recours, comme l’Europe, à l’emprunt, — ils en sont déjà au troisième, — et, plus que l’Europe, aux impôts. Impôts indirects sur les boissons, le tabac, les transports, les assurances, les automobiles, les parfums, les remèdes, les théâtres et les sports, l’éclairage, les tarifs postaux et téléphoniques ; impôts directs : sur le revenu, jusqu’à