Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/531

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit, les épaules effacées, comme pour offrir la poitrine à un peIoton d’exécution. Selon la recette classique, le côté clair de la face s’enlève sur un fond sombre, sur un mur qui tombe droit fil derrière le milieu du crâne ; le côté ombré de la figure se découpe sur la clarté d’un ciel, d’un horizon de montagnes, d’eaux, d’arbres, aperçus par une fenêtre, avec deux meules de foin

De qui est cette peinture grave et calme, dans des tons chauds, mais sans éclat particulier, ce dessin admirable et serré ? Autrefois, c’était le portrait d’un inconnu par un inconnu. Puis, on l’attribua au Francia, ensuite à Caroto ; on l’attribue aujourd’hui à Bonsignori, — sans parler de Raphaël, auquel, à de certaines époques, on donnait tous les beaux portraits dont on ignorait l’auteur. On poursuivra longtemps encore, sans doule, la recherche de cette paternité. Il est peint évidemment à la fin du xve siècle, ou au début du xvie, et peint par un maître, vigoureux, un peu austère, dédaigneux des bagatelles. Pour « tirer la ressemblance » d’un homme, il ne fait pas mille histoires : il le place bien en face de lui, lui pousse les épaules en arrière, lui dit de ne pas bouger, comme les photographes de jadis, et le peint. C’était le bon temps.

Quant au modèle, son identité ne fait pas de doute : nous sommes en présence de Guidobaldo Ier comte de Montefeltro et troisième duc d’Urbino. C’est le fils de l’homme au nez cassé et au bonnet rouge qui est aux Uffizi et de Battista Sforza ; c’est le mari d’Élisabetta Gonzague, dont le portrait est à la Tribune, c’est le beau-frère du marquis Gonzague, le héros de Fornoue et d’Isabelle d’Este. L’identité est attestée par la ressemblance exacte de la figure et du costume avec le portrait en miniature qui accompagne le manuscrit de Castiglione, De Guidabaldo Urbini duce, à la Bibliothèque Valicane[1]. Au

  1. Portraits de Guidobaldo, comte de Montefeltro, troisième duc d’Urbino,

    Authentiques :

    1° Miniature en tête du manuscrit no 1766 Urb. Lat. de la Bibliothèque Vaticane, De Guidubaldo Urbini duce, texte de Balthazar Castiglione ;

    2° Tableau à l’huile peint au début du xvie siècle (tête avec barrette, buste fond de paysage) attribué tantôt à Francia, tantôt à Bonsignori, tantôt à Caroto, tantôt à Raphaël. Au palais Pitti, salle de l’Iliade, no 195 ;

    3° Le personnage à genoux, à droite, au premier plan du tableau de saint Thomas et saint Martin par Timoteo Viti, dans la sacristie du Dôme, à Urbino ;

    4° Médaille portant, au droit, le buste à gauche d’un enfant, cheveux longs, coiffé d’une petite calotte, avec l’inscription : Guidub. Dux. Urb. Montisferetri.