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déclarèrent qu’un complot avait été ourdi, à Urbino, pour capturer les canons auxquels Guido, lui-même, avait promis de fournir des moyens de transport. D’autre part, l’évêque d’Ischia, partisan de César, fit avouer à un prisonnier que cinq cents fantassins, venant d’Urbino, étaient entrés dans le Camerino pour aider à sa défense. Ces cinq cents hommes, d’ailleurs, étaient des mythes : personne jamais n’en entendit plus jamais parler. Mais celui qui a la victoire trouve toujours des gens pour raconter sur le vaincu tout ce qu’il veut.

Maintenant, comment cette victoire avait-elle été si facile ? Il faut, pour le comprendre, se représenter que le Valentinois menait, à ce moment-là, deux expéditions : l’une contre le Camerino, au Sud-Est d’Urbino, l’autre contre Arezzo, au Sud-Ouest. Le duché se trouvait donc au haut de la fourche ou des tenailles formées par ses troupes, ou par ses communications, et dont le manche était à Rome. Il suffisait de les refermer, en les allongeant un peu, pour le prendre. L’expédition d’Arezzo n’était pas officiellement une affaire pontificale : c’était, prétendument, une affaire personnelle entre Vilellozzo Vitelli et les Florentins, pour venger le meurtre judiciaire de son frère, ancien condottiere des Lys. Mais Vitellozzo était à la solde de César ; il n’agissait que par ses ordres, il en recevait des renforts ; on pouvait donc faire circuler des troupes le long de la frontière urbinate et même pousser des convois et des hommes sur les routes de Nocera Umbra, Gubbio, La Serra, Sassoferrato, sans éveiller des soupçons. Tout cela était en apparence soit contre le Camerino, soit contre Arezzo. Pour comble de faux-semblant, César avait imaginé de demander son aide à Guidobaldo. Vitellozzo lui réclamait mille hommes pour l’aider à réduire la citadelle d’Arezzo. « Mais je ne suis pas en guerre avec les Florentins ! Je ne suis en guerre avec personne ! » répondait le duc d’Urbino. César le lapidait de lettres du Pape, lequel invoquait les services qu’il avait déjà rendus à l’Église pour le prier de faire réparer les routes sur le chemin de Camerino, de pourvoir au ravitaillement de son monde, de fournir des bœufs pour le transport de l’artillerie : bien plus, de prêter son artillerie à lui. Guido répondait en envoyant son confident, Dolce di Lotto, alors à Pérouse, vers le Valentinois pour l’apaiser avec de belles paroles et un magnifique cheval de bataille pompeusement habillé de brocart.